Comment tromper les aviateurs ennemis?

Vers la fin de 1941, les belligérants des deux camps avaient inventé toutes sortes de ruses afin d’éviter les attaques aériennes.
Ainsi, lorsque les Allemands se mirent à utiliser un système d’ondes radiophoniques pour guider les avions au-dessus de leurs objectifs en Angleterre, les ingénieurs britanniques ripostèrent promptement. Il s’agissait de deux ondes émanant de postes émetteurs allemands, fort éloignés l’un de l’autre. Chacune de ces ondes était dirigée vers l’objectif visé en Angleterre. Il suffisait que les bombardiers de nuit allemands suivent l’une des ondes et larguent leurs projectiles au point d’intersection avec l’autre onde. Les Britanniques créèrent de faux points d’intersection, si bien que les Allemands gaspillèrent leurs bombes en les larguant dans la campagne. Ils allèrent même jusqu’à détourner les faisceaux guidant les appareils nazis, de telle sorte que ceux-ci s’égaraient au-dessus de la mer où ils tombaient en panne sèche.
Pendant l’été 1941, un Américain, qui se promenait dans les environs de Berlin, découvrit par hasard la ruse de guerre la plus élaborée ; il ne remarqua tout d’abord qu’un réseau de fils électriques dans un champ. Son attention alertée, il regarda prudemment aux alentours ; les fils provenaient d’un abri souterrain et s’écartaient en éventail jusqu’à de petites constructions situées à quelque 400 mètres les unes des autres. Ces étranges maisons ne possédaient ni toitures ni carreaux, et on avait entassé des fagots à tous les étages. Un simple interrupteur permettait de mettre le feu à tout ce bois sec, et les flammes, sortant par les ouvertures béantes, imitaient un véritable incendie, pour la plus grande confusion des bombardiers de nuit britanniques.
L’Américain n’avait repéré là qu’une partie de la fausse ville de Berlin. À la suite d’autres promenades, il vit des kilomètres de rues factices, d’usines truquées et de pseudo-voies ferrées. Les prétendues rues étaient bordées de grandes caisses, dont chacune contenait une lampe électrique, de sorte que l’ensemble vu d’avion devait ressembler à un quartier de Berlin aux lumières mal camouflées. En outre, on avait donné à la supercherie une note de vérité en installant un peu partout des pièces anti-aériennes. Les spécialistes alliés durent reconnaitre que les meilleurs équipages de bombardiers pouvaient s’y méprendre, y compris ceux qu’on avait prévenus.
Les Allemands construisirent d’autres villes pièges. Ils recopièrent Ploesti, le grand centre pétrolier de Roumanie, avec imitation des raffineries et des réservoirs en toile, qui, atteints par les bombes, laissaient échapper d’épais nuages d’une fumée noirâtre.
En Angleterre, où une usine isolée risquait d’attirer les raids de la Luftwaffe, on doublait chaque édifice industriel d’une bâtisse vide et, tandis que le véritable objectif était camouflé à la perfection, on s’arrangeait pour enfreindre légèrement les règles du black-out autour de la construction jumelle. Résultat : l’ennemi larguait en pure perte une avalanche d’explosifs coûteux.
Les procédés de camouflage devinrent extrêmement raffinés. En Angleterre, les usines furent maquillées de manière à ressembler à des immeubles d’habitation et les installations militaires prirent l’aspect d’inoffensives stations-service. On dessinait de fausses pistes d’atterrissage à la chaux ou à la poussière blanche sur de faux aérodromes ; en revanche, les vrais terrains d’aviations étaient pourvus de pseudo-autoroutes. Un observateur américain, de retour de Grande-Bretagne, estima que, dans certaines régions, un bon tiers des terrains d’aviation étaient factices. Sur un authentique aérodrome situé près d’une agglomération, on peignit portes, fenêtres et pots de fleurs sur les hangars, ce qui leur donna l’aspect de simples maisons en tout semblables aux constructions environnantes.
Les Allemands transformèrent la physionomie de Berlin vue du ciel. Les toits se couvrirent de feuillages, on modifia la forme des étangs au moyen de pontons chargés de terre et l’on cacha entièrement certains petits lacs par d’immenses filets tendus d’une rive à l’autre. La très longue avenue Unter den Linden fut réduite de moitié grâce à des échafaudages revêtus de filets.
À Hambourg, le bassin de l’Alster formait une espèce d’œil-de-bœuf au centre même de la ville. On y établit tout un système de radeaux et d’échafaudages représentant assez bien rues et maisons ; on masqua les voies ferrées et l’on traça des rues sur la toiture de la gare maritime. On alla jusqu’à lancer un faux pont et à créer, en un autre endroit du port, un faux bassin identique à celui de l’Alster. La R.A.F. finit par éventer cette ruse savante.
Les auteurs de pareils subterfuges savaient que l’adversaire ne se laisserait pas éternellement berner. L’essentiel était de causer des retards dans les attaques ennemies, d’attirer les bombes sur des objectifs dépourvus d’intérêt stratégique et de semer l’incertitude dans les états-majors adverses.
La photographie aérienne était le principal moyen de dévoiler les astuces de l’adversaire. Tel élément truqué du paysage pouvait paraître authentique sur un seul cliché. Mais si des photographies du même endroit étaient prises le matin, puis l’après-midi, la similitude même entre les deux séries dénonçait le camouflage ; le soleil avait changé de place alors que les ombres peintes étaient restées fixes. Les Anglais décelèrent plus d’une supercherie au moyen d’appareils stéréoscopiques. On prenait deux photographies parallèles du même objectif. Examinées ensemble à travers un stéréoscope, elles trahissaient les simulacres de constructions par l’inévitable manque de relief. Les Alliés utilisaient des photographies prises aux rayons infrarouges qui détectaient la peinture ainsi que les différences entre le vrai feuillage et le faux. Ils passèrent maîtres dans la photographie de nuit et surent exploiter la pellicule couleur qui reproduisait très exactement ce que voyait l’œil humain.
Source : Dans les coulisses de la guerre secrète, Sélection du reader’s digest, 1966
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