Front de l'ouest

Opération Weserübung

Mis à jour le 12/08/2021
Opération Weserübung

Danemark, Norvège, 9 avril 1940 – 10 juin 1940

Dès l’invasion de la Pologne par l’Allemagne, la Norvège, ayant proclamé sa neutralité, était au coeur de l’attention de tous les belligérants. Ce petit pays représentait un enjeu stratégique majeur car il se situait non loin de deux routes maritimes de première importance. D’une part, celle qui allait des États-Unis à l’Allemagne en contournant les îles britanniques, d’autre part, celle qui aboutissait au port soviétique de Mourmansk. Ses côtes échancrées de multiples fjords encaissés étaient propices à l’installation de bases pour une flotte opérant dans l’Atlantique nord. Le port de Narvik, libre des glaces toute l’année, représentait le principal débouché pour le minerai de fer suédois de Kiruna, dont l’Allemagne avait le plus grand besoin pour alimenter son effort de guerre. Sur les 15 millions de tonnes de minerais de fer dont l’industrie lourde allemande avait besoin chaque année, 11 millions provenaient des mines suédoises de Gällivare et de Kiruna.

Prélude à la bataille

Pour les Alliés, il était essentiel de bloquer le transport de fer suédois vers l’Allemagne. Le 12 septembre 1939, Winston Churchill, premier lord de l’Amirauté du Cabinet conservateur de Chamberlain, avait signé une directive ordonnant la mise en état de navires spécialement armés pour pénétrer dans la Baltique, projet qui fut abandonné par la suite. Le 19, il informa le Cabinet de la nécessité de stopper les envois de minerai de fer suédois. Il proposa de miner les côtes norvégiennes afin de détourner les navires chargés de minerai vers des routes proches de l’Angleterre, où ils pourraient être interceptés. Mais le Cabinet britannique refusa de porter atteinte à la neutralité de la Norvège.

Le 30 novembre 1939, l’Union soviétique attaqua la Finlande. À l’admiration du monde entier, la Finlande opposa une résistance courageuse et efficace face à son puissant agresseur. Elle bénéficia du soutien moral quasi unanime des peuples libres. L’alliance anglo-française y vit une excellente opportunité de s’attaquer à l’Allemagne, dans le cadre de l’agression soviétique. Churchill profita de l’invasion de la Finlande pour avancer de nouveaux arguments qui se heurtèrent à nouveau au refus du Cabinet britannique, soucieux de respecter la neutralité scandinave. Le gouvernement britannique accepta malgré tout que l’état-major étudie un plan baptisé « opération Wilfred ». Celui-ci prévoyait le débarquement de troupes à Narvik, port et terminus de la ligne de chemin de fer qui desservait le bassin minier de Gällivare et poursuivait son trajet jusqu’en Finlande.

Entre décembre 1939 et mars 1940, l’URSS tenta de s’assurer une série de bases destinées à contrôler le Nord. Craignant la réussite du plan soviétique, Chamberlain décida d’activer le plan Wilfred et de procéder au débarquement de troupes à Narvik. Il prévoyait de les faire arriver jusqu’en Finlande en traversant le nord de la Suède en train, puis d’établir, en chemin, une garnison chargée de surveiller et de défendre les mines suédoises de Gällivare ainsi que la ligne de chemin de fer. Les Britanniques seraient ainsi en mesure de répliquer dans l’éventualité où les Soviétiques tenteraient une attaque contre la Norvège et la Suède. Le gouvernement accepta la proposition, mais la mise en place du plan Wilfred fut retardée à cause de l’opposition des gouvernements norvégien et suédois.

Le 12 décembre 1939, Vidkun Quisling, le chef du Parti fasciste norvégien, se rendit à Berlin afin de mettre en garde les Allemands de l’imminence d’une invasion britannique de la Norvège. Il les informa qu’il disposait d’un groupe de militaires norvégiens prêts à offrir leur aide, parmi lesquels le gouverneur de Narvik. Il demanda l’aide de l’Allemagne pour remplacer l’actuel gouvernement d’Oslo par un gouvernement « patriotique » qui solliciterait ensuite la protection de l’Allemagne. Quisling proposa de neutraliser la surveillance établie sur les côtes ainsi que dans certaines bases navales afin de faciliter l’arrivée des troupes allemandes. Hitler répondit qu’il préférait voir la Scandinavie neutre plutôt que d’ouvrir un nouveau théâtre d’opérations. Il promit cependant une aide financière et assura qu’il lui apporterait une aide militaire le moment venu. Le 14 décembre, Hitler donna l’ordre à l’O.K.W. d’étudier la possibilité d’une invasion de la Norvège. Ce plan fut baptisé Studie Nord. Quatre jours plus tard, il obtint la confirmation du caractère alarmiste des affirmations de Quisling et il décida de l’abandon du plan.

Le 20 janvier 1940, Churchill annonça dans un discours radiophonique les succès remportés par la Royal Navy. Ces succès contrastaient fort avec les pertes subies par les navires marchands, victimes des sous-marins allemands. Churchill insista sur la nécessité pour ces navires de naviguer en convois organisés. Il invita les pays occidentaux à collaborer avec la France et la Grande-Bretagne pour lutter contre un ennemi commun.

En réponse au discours de Churchill, Hitler ordonna à son état-major de préparer un plan d’invasion de la Norvège. Le 5 février, l’état-major allemand se réunit afin d’étudier le projet. Un conseil de guerre allié se tint à Paris auquel Chamberlain se rendit accompagné de Churchill. Il fut décidé de lancer la version révisée du plan Wilfred. Sous prétexte de venir en aide à la Finlande, deux divisions britanniques et une unité légère française débarqueraient en Norvège en se faisant passer pour des volontaires. Chamberlain demanda que le débarquement s’effectue à Narvik plutôt qu’à Petsamo afin de pouvoir prendre le contrôle du bassin minier de Gällivare. Entre le 8 et le 12 février, le Cabinet britannique débattit du plan Wilfred, et il fut décidé que les opérations de débarquement commenceraient le 20 mars. Les troupes alliées débarqueraient à Trondheim, Stavanger, Bergen et Narvik. Depuis le port de Narvik, les Alliés avanceraient rapidement jusqu’à la frontière suédoise et occuperaient le camp de Gällivare.

Dans les jours qui suivirent, les Allemands notèrent plusieurs indices laissant penser qu’une opération se préparait : la concentration de sous-marins britanniques au sud de la Norvège, l’ordre donné aux cargos transporteurs de se tenir prêts à lever l’ancre et l’arrivée d’un groupe d’officiers français à Bergen.

En février 1940, l’Altmark, navire ravitailleur attaché au cuirassé de poche Graf Spee, qui venait de se saborder dans le Rio de la Plata, regagnait l’Allemagne par les eaux territoriales norvégiennes avec, à son bord, un important contingent de marins britanniques prisonniers ayant appartenu aux équipages des navires coulés par le Graf Spee. L’Altmark, interpellé par les Norvégiens au large de Trondheim, puis dans les eaux de Bergen, prétendit qu’en tant que navire auxiliaire, il n’avait pas à se soumettre aux formalités de la visite réglementaire. Après avoir été retenu quelque temps, il fut autorisé à poursuivre sa route. Mais le 16 février, il fut intercepté, non loin de Jösenfjord, sur la côte méridionale de la Norvège, par le croiseur britannique Arethuse et la 4e flottille de destroyers, sous les ordres du capitaine Vian. Les deux petits vaisseaux de guerre norvégiens qui escortaient l’Altmark insistèrent pour que les Anglais ne l’arraisonnent pas tant qu’il serait dans les eaux neutres, et l’Altmark alla se réfugier dans le Jösenfjord.

Trois heures plus tard, alors qu’il faisait nuit, Vian, agissant sur ordre direct de Churchill, transmis par l’Amirauté, s’approcha jusqu’à quelques encablures de l’Altmark, après avoir laissé aux Norvégiens la possibilité de le ramener à Bergen pour lui faire subir un contrôle plus poussé. Pendant que le destroyer Cossak accostait le navire allemand, beaucoup plus important que lui, l’Altmark essaya de l’éperonner, mais, ce faisant, il alla s’échouer sur le rivage. Les marins anglais sautèrent à bord de l’Altmark et, tandis que les uns se rendaient mettre de la passerelle de commandement, d’autres allaient à la recherche des prisonniers. Leurs gardiens, après avoir tiré quelques coups de feu, s’enfuirent sur la glace. Les Anglais tuèrent quatre Allemands et en blessèrent cinq autres sans subir la moindre perte. 299 prisonniers anglais furent découverts dans les soutes de carburant et transférés sur le Cossak. Les Anglais laissèrent l’Altmark se dépêtrer tout seul dans son piège de glace.

Le gouvernement Norvégien envoya à Londres une note diplomatique pour protester contre la violation de ses eaux territoriales. Le peuple norvégien fut à la fois irrités et consternés par ce qu’ils considéraient comme une violation flagrante de leur neutralité. En Allemagne, ce fut l’indignation. Hitler manifesta sa plus grande colère et, selon l’opinion de ses collaborateurs, l’incident de l’Altmark mis fin à ses hésitations à propos de l’invasion de la Norvège. L’affaire de l’Altmark provoqua un vif débat chez les Alliés, car il apparaissait que la Norvège était incapable de protéger son territoire et ses eaux territoriales. Churchill proposa de mouiller des mines le long des côtes scandinaves afin d’empêcher la navigation à proximité de la Norvège. D’après Daladier, l’affaire de l’Altmark pouvait servir de prétexte à une action contre les ports norvégiens, mais les Britanniques n’étaient pas de cet avis. Selon ces derniers, les troupes préparées pour participer à l’expédition étaient insuffisantes. Ils espéraient que les gouvernements norvégien et suédois se joindraient aux Alliés de leur plein gré.

Après l’incident de l’Altmark, Hitler était convaincu que les Britanniques ne respecteraient pas la neutralité norvégienne et occuperaient le pays pour ensuite envahir la Suède, neutre elle aussi. Il décida de les en empêcher. Le 19 février, il ordonna d’accélérer les préparatifs du plan Weserübung, nom de code du plan d’invasion de la Norvège. Deux jours plus tard, l’opération était confiée au général de corps d’armée Nikolaus von Falkenhorst, vétéran de la Première Guerre mondiale, ayant combattu en Finlande. L’occupation de la Norvège devait permettre aux Allemands de garantir leur approvisionnement en fer mais également de s’emparer de positions qui leur serviraient à attaquer la Grande-Bretagne. La Luftwaffe fit savoir qu’elle aurait besoin d’aérodromes dans la région afin d’appuyer les opérations d’invasion. Le 1er mars, elle parvint à convaincre Hitler d’intégrer l’occupation du Danemark au plan Weserübung. Les instructions étaient notamment d’empêcher la fuite de la famille royale danoise ainsi que du gouvernement norvégien. Sur place, ils seraient utilisés comme des pouvoirs fantoches au service de l’Allemagne.

Falkenhorst et son état-major retravaillèrent un plan précédemment préparé par Theodor Krancke et son propre état-major, et qui établissait les objectifs suivants :
– le fjord d’Oslo ;
– une bande côtière englobant Kristiansand, Arendal et Stavanger ;
– Bergen et ses alentours ;
– Trondheim ;
– Narvik et la voie ferrée reliant la Suède ;
– Tromsø et ses deux aérodromes.

Dans le projet Weserübung Nord, le projet d’invasion de la Norvège, les Allemands avaient prévu de s’emparer d’Oslo, des villes côtières et de Narvik, dans l’extrême nord, par une série de coups de main, et, ensuite, de relier Oslo, par terre et par air, à Narvik. Dans l’espoir que les Norvégiens se résoudraient, bon gré mal gré, à l’inévitable, les troupes allemandes reçurent l’ordre de ne pas faire usage de leurs armes tant qu’on ne leur tirerait pas dessus, mais, dans le cas où une résistance se manifesterait, elles avaient pour consigne de riposter avec la plus grande vigueur. Les Allemands décidèrent de ne pas utiliser les forces de Quisling, à l’utilité douteuse, et de leur confier un simple rôle de propagande.

Dans le cadre du plan Wesserübung Sud, le plan d’occupation du Danemark, deux brigades motorisées devaient forcer la frontière danoise et pousser vers le nord jusqu’au Justland pour s’emparer des terrains d’aviation d’Aalbord, déjà investis par des commandos de parachutistes et un bataillon aéroporté. D’autres unités devaient débarquer dans les îles danoises, s’emparer des ponts et marcher sur Copenhague à travers l’île de Sjaelland. À Copenhague, le vieux cuirassé Schleswig-Holstein avait pour mission de pénétrer le port et d’y débarquer un bataillon d’infanterie, tandis que la Luftwaffe ferait peser sa menace sur la ville et détruirait les avions au sol sur les terrains militaires.

La Norvège, d’une superficie à peu près égale à celle des îles Britanniques, comptait, en 1940, environ quatre millions d’habitants. Les communications terrestres, malgré un effort sensible, demeuraient difficiles, et les routes principales convergeaient toutes vers Oslo. Le vieux système des communications maritimes s’étendait tout le long des côtes et permettait de pénétrer profondément dans les terres par les fjords. La population était surtout concentrée autour des villes du littoral.

Le gouvernement travailliste norvégien était persuadé qu’une politique pacifiste suffirait à préserver le pays de la guerre. Sa flotte marchande et sa flotte de bateaux-citernes, la deuxième au monde par son tonnage, constituait la principale richesse du pays. La Norvège était consciente de l’importance stratégique de sa position géographique. Elle comptait sur la protection de la Grande-Bretagne en cas de conflit. Son potentiel de guerre était très réduit. L’armée norvégienne alignait tout au plus 14 500 militaires professionnels et près de 110 000 réservistes. Ses principales unités d’infanterie devaient être remplacées en avril. Les batteries côtières ne disposaient que d’un tiers des effectifs nécessaires à leur bon fonctionnement, et la défense rapprochée faisait défaut. Les unités navales étaient dispersées le long de la côte et l’aviation se composait de quelques hydravions de reconnaissance, de neuf Gloster Gladiator positionnés à proximité d’Oslo, de neuf bombardiers légers à Sola et de quelques avions de reconnaissance un peu plus au nord.

La venue, en mars 1940, du secrétaire d’État américain, Sumner Welles, avec l’objectif d’établir un plan de paix, retarda le déclenchement de l’opération Weserübung. À Rome, il rencontra Mussolini avec lequel il eut un entretien qui contribua à renforcer les doutes du chef du gouvernement italien. Sa visite à Berlin se solda par un échec. En effet, Hitler, ayant consciencieusement préparé leur entrevue, assura à Welles que le conflit avait débuté en septembre 1939 lorsque la France et la Grande-Bretagne avaient déclaré la guerre à son pays. Welles se rendit ensuite à Londres, puis à Paris, avant de retourner une seconde fois à Rome, où il trouva Mussolini plus dubitatif encore que la première fois. Deux semaines s’étaient écoulées depuis leur première entrevue et Welles put constater qu’une bonne partie du gouvernement, l’Église et les appuis financiers ne souhaitaient pas non plus entrer en guerre.

Le 13 mars, la Finlande capitula. N’ayant alors plus de prétexte pour justifier une invasion de la Norvège, les plans des alliés tombèrent à l’eau. À la suite de la non-intervention de la France en Finlande, le Premier ministre français Daladier fut renversé. Paul Reynaud, partisan d’une politique plus agressive, lui succéda à la tête du gouvernement. De nouveaux plans furent élaborés dans la précipitation. Le premier, dénommé « Wilfred », prévoyait d’établir deux champs de mines dans les eaux norvégiennes afin de bloquer le trafic allemand et provoquer une riposte de type débarquement. Il était prévu d’enchaîner avec le plan R4, le débarquement allié à Narvik, l’opération Royal Marine et le mouillage de mines dans le Rhin. Le plan R4 prévoyait de débarquer une brigade à Narvik avec une batterie antiaérienne, ainsi que celui, simultané, de cinq bataillons à Trondheim et à Bergen. L’assaut de l’aérodrome de Stavanger complétait ce plan. La capacité de l’Allemagne à envoyer rapidement d’importantes unités en Norvège était largement sous-estimée. Le plan ne tenait pas compte non plus du transport aérien. De plus, les troupes prévues pour l’opération étaient nettement inférieur en nombre par rapport au plan des Allemands. Ils comptaient sur un appui local en Norvège.

La date de lancement de l’opération Wilfred fut fixée au 5 avril, et Hitler décida que l’invasion débuterait le 7. La Kriegsmarine insista pour avancer cette date car elle craignait les courtes nuits arctiques et préférait profiter d’un maximum d’heures d’obscurité pour naviguer à couvert. Après plusieurs retards successifs, l’heure et la date du débarquement simultané dans tous les ports norvégiens furent enfin fixées au 9 avril à 5h du matin.

Les Alliés se heurtèrent à de nombreuses complications. Par crainte de représailles allemandes, les Français refusèrent leur accord pour le minage du Rhin. La date de l’opération Wilfred fut repoussée au 8. La RAF entreprit une campagne de harcèlement, assaillant des cibles navales avec ses bombardiers, sans provoquer de dommages notables. Devant les menaces d’invasions des deux camps, le gouvernement Norvégien maintint sa neutralité jusqu’au dernier moment.

Le 3 avril, des bateaux marchands, chargés de troupes et de matériel, commencèrent à quitter les ports allemands, et, dans la matinée du 7, des navires de guerre mettaient le cap vers les lieux de débarquement.

Le 5 avril, le jour même du départ des mouilleurs de mines, les Britanniques faisaient parvenir une note d’avertissement aux gouvernements norvégien et suédois. Tandis que la Home Fleet demeurait à Scapa Flow, quelques destroyers et un mouilleur de mines avaient pour mission d’aller placer un champ de mines dans le Vestfjorden, aux abords de l’Ofotfjord et de Narvik, un autre dans les eaux territoriales entre Trondheim et Bergen, et un faux champ de mines près de Trondheim. Plus tard, le croiseur de bataille Renown, escorté de quatre destroyers, partit renforcer la flottille qui se trouvait dans le Vestfjorden. Quelques bataillons embarquèrent sur des croiseurs à Rosyth ; d’autres sur des transports militaires dans la Clyde. Toutes ces troupes devaient demeurer dans les ports anglais jusqu’à ce qu’une action allemande contre la Norvège permît de justifier leur intervention.

Les Allemands avaient conscience des risques qu’ils prenaient en débarquant des troupes à l’ouest et au nord. Ils comptaient sur la rapidité pour prendre de vitesse la vigilance des Anglais et des Norvégiens. Les navires devaient regagner immédiatement leurs bases après avoir procédé aux opérations de débarquement, afin de ne pas être pris au piège quand la flotte britannique ferait son apparition au large des côtes norvégiennes.

La flotte d’invasion était répartie en six groupes. Le groupe I, composé des croiseurs de combat Gneisenau et Scharnhorst, escortés de dix destroyers, transportait vers Narvik 2000 hommes de la 3e division de montagne. Le groupe II, formé par le croiseur Hipper et quatre destroyers, avec à leur bord 1700 hommes de la 3e division de montagne, avait pour objectif Trondheim. Le groupe III, regroupant deux croiseurs légers, deux navires d’appui, deux torpilleurs et cinq vedettes lance-torpilles, transportait 1900 hommes de la 69e division d’infanterie à destination de Bergen. Le groupe IV, composé du croiseur léger Karlsruhe, du navire d’appui Tsingtao, de trois torpilleurs et de sept vedettes lance-torpilles, transportait vers Kristiansand 1100 hommes de la 163e division d’infanterie. Le groupe V, constitué du croiseur lourd Blücher, du cuirassé de poche Lützow, du croiseur léger Emden, de trois torpilleurs et de huit dragueurs de mines, avec à leur bord 2000 hommes de la 163e division d’infanterie, se dirigeait vers Oslo. Le groupe VI, composé de quatre dragueurs de mines, transportait 150 hommes appartenant à la 69e division d’infanterie en direction d’Egersund.

Le 7 avril, l’aviation anglaise repéra et bombarda, sans résultat, des navires de guerre allemands faisant route vers le nord. La présence des navires allemands fut signalée à l’Amirauté britannique. Dans la soirée du 7, la Home Fleet quitta Scapa Flow et mit le cap sur les côtes norvégiennes dans le but d’intercepter les Allemands. La flotte allemande s’était alors déjà dangereusement rapprochée des côtes norvégiennes. Le groupe I se trouvait à 200 milles au nord-est. Le groupe II, à 100 milles, attendait l’occasion de pénétrer dans le fjord de Trondheim. Plus loin au sud, le groupe III était sur le point de pénétrer dans les fjords conduisant à Bergen. Le groupe IV faisait route vers Kristiansand. Le groupe VI se dirigeait vers Egersund. Enfin, le groupe V faisait route vers nord, le long des côtes danoises.

Dans la nuit du 7 avril, une tempête, qui devait balayer les côtes de Norvège pendant toute la journée du 8 et la matinée du 9, se leva. Les destroyers allemands des groupes I et II furent malmenés et forcés de rompre leur formation. Dans la matinée du 8, l’un d’eux essuya deux salves d’un destroyer inconnu qui disparut aussitôt derrière un écran de fumée. Un peu plus tard, le destroyer Bernd von Arnim aperçut à son tour le navire qui changea de cap pour se lancer à sa poursuite.

Il s’agissait du destroyer britannique Glowworm, un des escorteurs du Renown, qui s’était séparé de l’escorte pour rechercher un homme tombé à la mer. Le Bernd von Arnim augmenta sa vitesse pour tenter de distancer son poursuivant afin d’accomplir sa mission de débarquement des troupes entassées sur ses ponts. Les deux navires se trouvèrent alors soudain en présence du Hipper, venu porter secours au navire allemand. À cause de la mauvaise visibilité, tout deux crurent avoir affaire à un navire britannique. Mais le Hipper ouvrit le feu et toucha le Glowworm à la première salve. Le navire britannique s’entoura de fumée et changea de direction. Le Hipper se lança à sa poursuite. Les deux navires manoeuvrèrent pour s’éperonner, mais le Hipper manoeuvra trop lentement. L’étrave du Glowworm vint frapper son adversaire de travers et déchira son blindage sur une longueur d’environ quarante mètres. Le Glowworm fit ensuite marche arrière, en flammes. Il y eut soudain une violente explosion et le navire sombra. Le Hipper stoppa pour recueillir les survivants couverts de mazout.

Le vice-amiral sir Max Horton, commandant en chef des sous-marins britanniques, avait envoyé, de sa propre initiative, tous les submersibles disponibles croiser au large des ports allemands et sur les routes maritimes vers la Norvège. Les sous-marins britanniques repérèrent un grand nombre de cargos en route vers le nord. Ayant pour consigne de torpiller uniquement les navires de guerre et les transports de troupes, ils laissèrent passer ces bâtiments, semblant inoffensifs. Pourtant, le 8 avril, le sous-marin polonais Orzel torpilla et coula le Rio-de-Janeiro qui transportait des troupes allemandes. Les survivants furent recueillis dans la ville norvégienne de Lillesand, où ils affirmèrent qu’ils se rendaient en Norvège pour protéger le pays d’une invasion des Alliés. Ces derniers accélérèrent leur préparatif.

Le gouvernement norvégien n’osait pas ordonner une mobilisation générale en dépit de tous les indices d’une invasion imminente. Il craignait certainement de provoquer Hitler et de lui fournir un prétexte pour attaquer. Dans la nuit du 8, cinq brigades du sud de la Norvège reçurent finalement l’ordre de mobilisation dans la plus grande discrétion, la convocation étant envoyée par courrier au domicile des soldats.

L’invasion du Danemark

Dans sa volonté de rester neutre et de ne pas provoquer l’Allemagne, le Danemark avait démobilisé la moitié de ses effectifs de 1939. À la veille de son invasion par l’Allemagne, le pays ne comptait que 14 500 hommes en service. Il ne prit pas la moindre précaution contre une invasion éventuelle. L’occupation du Danemark devait permettre aux Allemands de s’emparer de positions pouvant servir d’appui stratégique à l’invasion de la Norvège. Pour cela, il était nécessaire que les Allemands contrôlent l’ensemble du pays.

Le colonel Gijsbertus Jacobus Sas, attaché militaire danois à Berlin, fut informé par le colonel Hans Oster, membre de l’Abwehr, qu’une invasion se préparait. Il en informa l’attaché naval, le capitaine Frits Kjölsen, qui partit aussitôt pour Copenhague afin d’alerter le gouvernement, mais ce dernier demeura inactif.

Le 9 avril 1940, à 4h du matin, l’ambassadeur allemand à Copenhague, Cecil von Renthe-Fink, demanda de toute urgence une entrevue avec le ministre danois des Affaires étrangères à Munich. Une vingtaine de minutes plus tard, les deux hommes se rencontrèrent. L’ambassadeur informa le ministre de l’arrivée de troupes du Reich sur le territoire danois afin de protéger le pays en cas d’invasion franco-britannique. Il exigea des Danois qu’ils n’opposent aucune résistance et qu’ils coopèrent avec les autorités allemandes. Dans le cas contraire, l’aviation allemande bombarderait la capitale. Le gouvernement danois, soucieux de limiter le nombre de victimes et d’épargner la population civile, accepta.

Les Allemands franchirent la frontière danoise en différents points tandis que d’autres troupes débarquèrent à Copenhague et dans certains lieux stratégiques permettant de circuler d’île en île. Des troupes aérotransportées s’emparèrent de l’aérodrome d’Aalborg et de la forteresse de Masnedo, contrôlant l’accès à l’île de Sjælland, sans rencontrer la moindre résistance. Toutes les opérations furent menées simultanément afin de créer la surprise.

Dans le but de capturer la famille royale, les Allemands se rendirent au palais d’Amalienborg, résidence des souverains. Un petit affrontement éclata et un Danois fut blessé. Les assaillants se replièrent. Les plus hautes autorités du pays se trouvaient à l’intérieur du palais, et seul le chef des armées, le général William Wain Prior, manifestait le désir de résister. Son entourage finit par le persuader de l’inutilité d’une telle action, et ils envoyèrent un message à l’ambassadeur Renthe-Fink afin de l’informer de leur décision de se soumettre à l’Allemagne.

Seuls quelques affrontements eurent lieu dans le sud du pays et au palais royal, au cours desquels onze soldats danois furent tués. En quatre heures, la Wehrmacht s’était assurée le contrôle effectif du pays. Par la suite, les institutions continuèrent à fonctionner, et le roi comme les ministres restèrent dans le pays. Les Allemands se contentèrent de nommer le nazi Cecil von Renthe-Fink « ambassadeur plénipotentiaire ». Le Danemark conserva son statut théorique de pays neutre, même si les Allemands occupaient son territoire.

La bataille des fjords : de Narvik à Oslo

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Narvik

Aux premières heures du 9 avril, les dix destroyers allemands envoyés à Narvik pénétrèrent dans le fjord occidental, large d’environ 50 milles. Ils étaient sous les ordres du commodore Bonte. Le convoi se trouvait désormais à l’abri de la tempête qu’il avait dû affronter jusqu’alors. Il naviga au jugé pendant 70 milles environ, et arriva en vue du phare de Tranøy, à 3h du matin. Les destroyers allemands croisèrent un navire de patrouille norvégien qui les ignora. Il était un peu plus de 4h du matin, lorsqu’ils pénétrèrent dans le fjord d’Ofot sous une forte tempête de neige.

Le destroyer Roeder se sépara du groupe afin de surveiller l’entrée du fjord. Les Allemands furent bientôt repérés par deux patrouilleurs norvégiens qui signalèrent leur présence. Le Roeder tira quelques projectiles et les persuada de rentrer au port de Narvik. À 15 miles du port, à proximité des détroits de Ramnes, Bonte détacha le Lüdemann et le Schmitt pour qu’ils attaquent de prétendues batteries, à Ramnes et Hamnes. Après avoir cherché en vain ces batteries inexistantes, les troupes réembarquèrent à 8h pour partir à l’assaut d’un fort situé dans le fjord d’Herjangs. En réalité, seule une batterie hors d’usage de deux pièces Schneider de 105 mm se trouvait dans le fort Forholten.

Après avoir capturé un garde-pêche norvégien, Bonte se dirigea vers Narvik avec le Heidkamp, le Thiele et l’Arnim. Le Roeder était resté à l’entrée du fjord et le Giese, à court de carburant, se trouvait loin derrière. Le premier affrontement avec les Norvégiens eut lieu à 5h15, au large du port de Narvik, lorsque les Allemands rencontrèrent le garde-côte Eidsvold, décidé à résister. Le Heidkamp tira deux torpilles qui coulèrent l’Eidsvold, faisant 175 victimes. Seul dix membres d’équipage survécurent. Le Norge, son navire jumeau, se trouvant dans le port, connut le même destin après avoir ouvert le feu sur la flotte allemande. Les troupes allemandes débarquèrent à Narvik, sans opposition. Jusqu’au dernier moment, les soldats norvégiens pensèrent avoir affaire à des Anglais. Le général Dietl parvint à convaincre le commandant de la garnison de Narvik, le colonel Konrad Sundlo, que toute résistance était inutile.

Les navires de transport et les pétroliers qui avaient appareillé le 2 avril pour intervenir en renfort n’arrivèrent jamais. À l’exception du pétrolier Jan Wellem, ils avaient été interceptés par la flotte alliée et par des patrouilleurs norvégiens. Cette défaillance allait avoir de lourdes conséquences par la suite. Le Giese arriva à 8h30, suivi d’autres destroyers qui avaient réembarqué leurs troupes. Le Roeder fut envoyé à Elvegard afin de débarquer ses troupes, laissant l’entrée du fjord sans surveillance. À midi, le Jan Wellem entreprit de ravitailler les navires à court de combustible.

Pendant ce temps, le Scharnhorst et le Gneisenau s’étaient séparés des autres destroyers et naviguaient dans la tempête en direction du nord-est. Ils furent repérés par le groupe du Renown à l’aube. Le Renown prit pour cible le Gneisenau. Les navires allemands ripostèrent. N’ayant aucunement l’intention de combattre les Britanniques, l’amiral Lütjens augmenta sa vitesse pour sortir de la zone de contact. Au cours de l’échange de tirs, le Gneisenau et le Renown reçurent plusieurs impacts sans conséquence. Le Scharnhorst et le Gneisenau arrivèrent finalement à Wilhelmshaven le 12, malgré plusieurs tentatives de la RAF pour les intercepter.

Trondheim

La forteresse d’Agdenes abritait les défenses du fjord de Trondheim. Elle était divisée en trois positions d’artillerie principales, les forts Brettingen, Hysnes et Hambaara, qui totalisaient onze pièces lourdes. Le 9 avril 1940, sa garnison était en état d’alerte. Les Allemands pénétrèrent dans le fjord après avoir croisé un patrouilleur norvégien qui signala leur présence. Les projecteurs des batteries éclairaient l’étroit passage dans lequel le Hipper s’engagea. Le navire allemand tenta de se faire passer pour un croiseur britannique en communiquant son identité en anglais. La batterie d’Hysnes ouvrit le feu. Le Hipper riposta et la réduisit au silence. Le groupe d’assaut allemand profita de la confusion et de l’obscurité pour forcer le passage à pleine vitesse. Seules les pièces du fort d’Hysnes parvinrent à endommager le destroyer Riedel qui était en train de débarquer l’infanterie chargée de prendre les forts de la rive nord. Son commandant décida d’aller s’échouer dans la baie de Strømmen, où il s’établit comme batterie jusqu’au 20.

À 7h, le Hipper, accompagné de destroyers, occupait Trondheim, qui n’avait opposé aucune résistance. Le Hipper appuya les troupes d’assaut de sa puissance de feu jusqu’à ce que les forteresses norvégiennes soient conquises. L’aérodrome de Vaernes tomba le lendemain. Les avions de transport allemands utilisèrent toutefois une piste improvisée pour amener leurs marchandises. Ce ne fut qu’à partir du 13 que le trafic s’organisa dans l’aérodrome. Cinq bataillons arrivèrent par la voie des airs au cours du mois.

Bergen

Les défenses de Bergen étaient organisées en deux anneaux modernisés en 1895, l’un extérieur et l’autre intérieur. L’anneau extérieur devait servir à protéger un champ de mines qui ne sera jamais installé. Outre deux réflecteurs de 900 et 1100 mm, il comprenait quatre forts équipés de canons de petit calibre : Lerøy, Faerøy, Skarvøy et Håøya. L’anneau intérieur comprenait trois forts : Kvarven, Hellen et Sandviksfjell. Le fort Kvarven constituait la principale position de défense et était doté de canons et d’obusiers Saint-Chamond, de tubes lance-torpilles de 450 mm, de deux réflecteurs de 1100 m et de deux pièces antiaériennes de 75 mm. Sa garnison comptait 279 soldats et 33 officiers, peu entraînés et mal équipés. Le fort Hellen était équipé de canons Saint-Chamond de 210 mm et d’un réflecteur de 110 mm. Le fort Sandviksfjell était équipé d’obusiers Saint-Chamond de 240 mm.

À l’aube, le groupe d’assaut allemand croisa à l’entrée de Korsfjord et de Vatlestrommen quelques patrouilleurs norvégiens qui pensaient avoir affaire à des navires anglais. La formation pénétra dans le fjord de By, avec en-tête les deux chalutiers armés Schiff 9 et Schiff 18, suivis par le croiseur léger Köln, les torpilleurs Leopard et Wolf, le navire de transport armé Bremse, le navire auxiliaire Karl Peters, le croiseur léger Königsberg et deux vedettes lance-torpilles. Le brouillard gênait l’utilisation des télémètres et les projecteurs ne fonctionnaient pas en raison d’une coupure d’électricité survenue à Bergen. La flotte allemande avançait vers le fort Kvarven, dont le secteur de tir était très limité et comportait des angles morts.

À 4h du matin, les canons de Kvarven ouvrirent le feu sur l’assaillant. Le Köln et les deux torpilleurs s’approchèrent sans être touchés. Le Bremse reçut deux impacts de 210 mm et le navire auxiliaire Karl Peters un. Le Königsberg fut touché sous sa ligne de flottaison. La formation réussit malgré tout à passer et à atteindre Bergen. Le Königsberg était dans un état critique. De grandes quantités d’eau s’engouffraient à l’intérieur du navire et plusieurs incendies se propageaient sous le pont.

Au total, le fort de Kvarven tira vingt-quatre projectiles de 210 mm et dix de 240 mm, avant d’être neutralisé par l’aviation allemande. Avec l’appui de la Luftwaffe, les groupes d’assaut prirent le contrôle de la ville de Bergen et des batteries côtières. Les pièces de la batterie de Sandviksfjell endommagèrent légèrement le croiseur Köln et le Bremse avant d’être détruites. L’effet de surprise avait joué un rôle décisif, car les torpilleurs du fort Kvarven, qui étaient à cours de détonateurs et de gyroscopes lors du combat, auraient pu se révéler très meurtriers s’ils avaient été alertés.

Une fois leur mission accomplie, le Köln et les deux torpilleurs gagnèrent Wilhelmshaven le 11, après que les croiseurs britanniques Manchester, Glasgow et Sheffield eurent pris la décision de battre en retraite, convaincus que les Allemands contrôlaient les batteries côtières du fjord. Endommagé, le Königsberg était resté dans le fjord de Bergen et constitué une proie facile pour l’aviation ennemie. Seize Blackburn B-24 Skua, armés chacun d’une bombe de 227 kg, l’attaquèrent dans la matinée du 10. Le croiseur reçut cinq impacts directs et un impact proche, lui donnant le coup de grâce.

Egersund et Kristiansand

Les Allemands prirent contrôle d’Egersund sans le moindre incident. Il n’en fut pas de même à Kristiansand. Un épais brouillard obligea le groupe d’assaut à s’arrêter à l’entrée du fjord pour attendre d’avoir plus de visibilité. Les meilleurs atouts de la forteresse de Kristiansand étaient le fort Odderøya commandé par le colonel Fosby, et la batterie Gleodden couvrant le détroit de Skagerrak. Elle était aussi défendue par les torpilleurs Odin et Gyller, et quelques autres petites unités.

La flotte allemande atteignit son objectif à 5h57. Guidée par le phare de Groningue, elle pénétra dans le fjord où elle fut rejointe par un navire marchand allemand du premier échelon. À peine dépassa-t-elle les phares d’entrée, à 6h32, que les batteries côtières ouvrirent le feu, à 8000 m de distance. Le croiseur Karlsruhe fut touché par un projectile de 150 mm et la flotte allemande ne disposant pas de pièce d’artillerie capable de riposter de manière efficace battit en retraite alors qu’elle se trouvait à environ 6500 m du fort. La formation navale organisa une nouvelle tentative, cette fois-ci avec l’appui de la Luftwaffe. Elle se solda une fois de plus par un échec.

Une troisième tentative fut lancée à 7h50. Les Allemands tirèrent avec leurs trois tourelles triples depuis l’extérieur du fjord, à plus de 13 800 m de distance. Une attaque aérienne fit exploser une poudrière du fort. Le brouillard tomba à nouveau alors que les Allemands tentaient de pénétrer dans le fjord. Ils durent arrêter les machines. Le brouillard se leva trois heures plus tard et le croiseur Karlsruhe força l’entrée du fjord. La batterie Gleodden, pensant avoir affaire à un navire français, s’aperçut de son erreur trop tard. L’infanterie débarquée prit finalement les forts d’assaut depuis la terre. Dans la confusion, les torpilleurs modernes Odin et Gyller, ainsi que deux sous-marins norvégiens, le B-2 et le B-5, restèrent en retrait du combat. Le Karlsruhe et les trois torpilleurs repartirent pour l’Allemagne à 19h. Ils croisèrent le sous-marin britannique HMS Truant qui tira une salve de dix torpilles dont l’une toucha le croiseur. Après avoir tenté en vain de le sauver, le torpilleur Greif torpilla le navire à 22h50.

Les parachutistes de la 3e compagnie du 1er régiment avaient pour mission de s’emparer de l’aérodrome Stavanger-Sola. Cet aérodrome était le plus moderne de Norvège, et le seul du pays équipé de pistes en béton. Il constituait une position stratégique importante car il se trouvait à seulement 500 km de Scapa Flow, et il pouvait permettre à la Luftwaffe de harceler la Royal Navy.

Douze Ju 52 décollèrent à 5h30, et après un vol rendu très difficile à cause du brouillard, ils atteignirent la côte norvégienne sous un ciel dégagé. Seuls onze appareils atteignirent leur objectif, le dernier s’étant perdu en vol. Il était un peu plus de 9h lorsque les parachutistes sautèrent au-dessus des pistes, à très basse altitude, sous le feu des défenseurs. Les Bf 110 apportèrent leur soutien aux parachutistes avec leur armement lourd, en effectuant des allers-retours à une dizaine de mètres d’altitude. Il fallait à tout prix que les parachutistes s’emparent rapidement de l’aéroport car les avions de chasse couvrant l’opération atteignaient les limites de leur autonomie. Faute de combustible suffisant pour retourner à leur base, il leur faudrait atterrir sur la piste norvégienne. Huit Ju 88 participèrent également à l’attaque et détruisirent la plupart des avions norvégiens se trouvant au sol. Quelques appareils norvégiens parvinrent à s’enfuir.

Au sol, une fois réunis, les 135 Fallschirmjäger prirent le contrôle de deux blockhaus installés sur les pistes. Ils débarrassèrent les pistes de tous les obstacles en moins d’une demi-heure. Tandis que les Bf 110 atterrissaient, les Ju 88 effectuaient des allers-retours pour couvrir les Ju 52 qui s’approchaient avec le gros de l’infanterie. À la fin de la journée, plus de 180 avions avaient atterri, amenant sur place plus de 2 000 soldats.

Oslo

Situé au fond d’un fjord long de plus de 100 km, le port d’Oslo était le mieux gardé du pays en 1940. À cette époque, la principale batterie de la forteresse d’Oskarsborg était équipée de trois canons Krupp L/40 de 280 mm, de trois lance-torpilles Whitehead de 450 mm, ainsi que d’un total de vingt pièces de calibre égal ou supérieur à 120 mm. La forteresse d’Oslofjord se composait de cinq forts, Rauoy, Bolaeme, Mågerø, Håøya et Toras, alors en construction, armés au total de dix-neuf pièces de calibre égal ou supérieur à 120 mm.

Le groupe d’assaut allemand pénétra dans le fjord d’Oslo à la tombée de la nuit. À sa tête se trouvait le Blücher dont l’équipage manquait d’entrainement et dont l’armement, surtout composé de projectiles d’exercice, obligeait les troupes à stocker leurs munitions sur le pont et dans le hangar. L’Emden et le Lützow suivaient, escortés par les torpilleurs Möwe, Kondor et Albatros, et par trois barques de type R. Peu après minuit, les réflecteurs norvégiens éclairèrent le croiseur, sans ouvrir le feu. Les Allemands répondirent aux réflecteurs en allumant les leurs. Les batteries de Rauoy et de Bolaeme ouvrirent le feu, lançant sept projectiles qui tombèrent à la poupe de la formation sans causer de dommages. Entre 0h46 et 3h30, des troupes débarquèrent pour prendre d’assaut certaines installations norvégiennes. Peu après, la formation ralentit sa vitesse en s’approchant, dans l’obscurité, du détroit de Drøbak, large d’environ 600 m. À 4h40, les réflecteurs côtiers et un patrouilleur éclairèrent le Blücher.

Il était 5h21 lorsque la batterie principale d’Oskarsborg ouvrit le feu sur l’envahisseur avec ses vieilles pièces de 280 mm. Le premier tir détruisit la conduite de tir antiaérien du Blücher, qui se trouvait à une distance comprise entre 450 et 900 m. Le canon antiaérien du navire ouvrit le feu contre toutes les cibles à portée de tir, sans parvenir à atteindre les batteries du fort. Le Blücher augmenta sa vitesse, espérant pouvoir forcer le passage sans avoir à subir plus de dommages, mais ce fut inutile car un deuxième projectile atteignit le hangar provoquant un gros incendie. La batterie de Drøbak ouvrit le feu à 600 m de distance et détruisit la tourelle de contrôle antiaérien B, un montage de 105 mm ainsi que toute la partie centrale. Le Blücher tenta malgré tout de traverser les détroits lorsque deux torpilles tirées depuis la côte l’atteignirent au flanc bâbord à 5h30. Très sévèrement endommagé, le croiseur réussit à sortir du secteur de tir des batteries côtières.

Le Lützow reçut trois impacts. Le premier impact bloqua sa tourelle A, rendant son canon central inutilisable. Le second impact toucha le compartiment XIII et provoqua un incendie. Le troisième impact toucha la grue de bâbord, tuant plusieurs membres d’équipage chargés du maniement des pièces de 150 mm et de l’artillerie anti-aérienne. Sous un déluge de feu, le commandant du Lützow, le capitaine Thiele, décida de faire demi-tour à 5h23, et de débarquer les troupes plus au sud. À ce moment-là, la plus grande confusion régnait. Le Lützow croisa la route de l’Emden, qui n’était pas armé pour lutter efficacement contre les forts. Le dernier message émis par le navire amiral ordonnait au capitaine Thiele de prendre le commandement du groupe. La formation allemande ne faisait pas le poids face aux forts, et il décida que l’Emden débarquerait ses troupes à Moss. Les torpilleurs en feraient de même à Sonsbukten, et le Lützow dans la baie de Verle. Les débarquements s’achevèrent à 9h passée.

En piteux état, le Blücher avait jeté l’ancre. Les incendies se propageaient au sein du navire. L’équipage commença à jeter les munitions par-dessus bord mais les incendies continuèrent à se propager et devinrent totalement incontrôlables à 6h. De nombreux canots et gilets de sauvetage manquaient. L’eau du fjord était gelée et le navire ne se trouvait qu’à 300 m de l’île d’Askenholm. Tenter de les parcourir à la nage revenait au suicide. L’ordre d’abandonner le navire fut donné à 7h, et le navire coula une demi-heure plus tard. Plus de 1000 hommes trouvèrent la mort.

Le groupe principal se trouvait plus au sud. Il lui était impossible de traverser les détroits de Drøbak sous le feu des batteries. La Luftwaffe fut appelée en renfort afin de faire taire les batteries de Bolaeme et de Rauoy. Pendant ce temps, le bateau à vapeur norvégien Norden fut capturé et envoyé en reconnaissance afin de retrouver le Blücher dont le groupe principal ignorait la situation. Le Lützow tira avec son artillerie sur Kaholmen afin de couvrir le Norden. Le groupe apprit enfin ce qui était arrivé au navire amiral qui avait coulé depuis de nombreuses heures déjà.

Dans la matinée, les troupes débarquées progressèrent. À la fin de l’après-midi, seule la batterie de Bolaeme était encore sous contrôle norvégien. Des torpilleurs furent envoyés pour forcer le détroit après les assauts de la Luftwaffe qui avait bombardé le fort d’Oskarsborg. Après des échanges animés dans le but de convaincre la garnison de la forteresse de se rendre, les navires allemands se dirigèrent vers Oslo, où ils arrivèrent le 10 à 11h40 passées. Oskarsborg déposa les armes à 9h.

Il était prévu que des parachutistes allemands s’emparent de l’aérodrome de Fornebu. L’opération dut être annulée en raison d’un épais brouillard. Les Bf 110, à court de combustible après les combats sur Oslo, profitèrent d’une éclaircie au-dessus de l’aérodrome pour plonger en piqué. Cinquante-trois Ju 52, sous les ordres du capitaine Wagner et transportant à leur bord le 2e bataillon du 324e régiment d’infanterie, commencèrent à arriver au même moment.

Convaincu de la capacité de ses hommes à voler par tous les temps, Wagner avait insisté pour maintenir l’opération en dépit des conditions météorologiques défavorables. Le Ju 52 du capitaine Wagner fut le premier à atterrir. Les parachutistes auraient déjà dû contrôler le périmètre, mais les mauvaises conditions météorologiques les avaient retardés. L’appareil de Wagner essuya le tir des défenseurs norvégiens, et cinq hommes, dont Wagner, perdirent la vie. Les six Bf 110 assistèrent impuissants à la scène, leurs réserves de combustible étant épuisées. L’un d’eux s’engagea alors sur l’une des pistes, devançant un autre avion qui s’apprêtait à atterrir, et il termina sa course sur le bord de la piste. Il ouvrit le feu avec ses mitrailleuses afin de couvrir l’atterrissage des Junkers depuis la terre. Les cinq autres appareils suivirent son exemple et établirent ainsi un périmètre défensif. Surprises par ce violent assaut, les troupes norvégiennes, mal organisées, battirent en retraite et les Allemands prirent le contrôle de l’aérodrome.

Les Allemands s’emparèrent rapidement d’Oslo. Le roi Haakon VII parvint malgré tout à s’échapper et à gagner Elverum avec son gouvernement et la réserve d’or nationale. Une compagnie de parachutistes commandée par le capitaine Spiller tenta d’empêcher la fuite du roi. L’opération se solda par un échec et la mort du capitaine. Dans l’après-midi du 9 avril, les forces allemandes ne comptaient que neuf compagnies dans la capitale. Elles devaient être renforcées dès le lendemain par l’arrivée de troupes par la voie des airs et par la mer. Les troupes au sol s’organisèrent, et prirent rapidement le contrôle des objectifs qui leur étaient assignés.

Au soir du 9, les Allemands avaient atteint la plupart des objectifs qui leur avaient été assignés. Ils avaient toutefois subi un certain nombre de pertes, mais plus qu’acceptables, compte tenu de l’ampleur de l’opération. Les aérodromes conquis en Norvège permirent d’établir un pont aérien avec le nord de l’Allemagne et, ainsi, de ravitailler les troupes d’invasion en combustible et en équipements militaires de toutes sortes. Désormais, la Royal Navy s’apprêtait à contre-attaquer.

La résistance norvégienne

Les Norvégiens refusaient de se soumettre à l’envahisseur. Ils avaient répondu à la demande de capitulation d’Hitler, par ces fières paroles : « Nous ne voulons pas nous rendre; notre combat est déjà commencé. » Mais les Norvégiens ne disposaient pas de moyens suffisants pour s’opposer aux Allemands. Il avait été prévu dans le plan de mobilisation que chaque région militaire mettrait sur pied tout d’abord une brigade de campagne, suivie par le reste des unités d’une division et enfin les garnisons. En dehors de quelques unités, l’armée norvégienne n’avait pu être mobilisée. Elle évacua les villes et les aérodromes et, d’une façon anarchique, essaya d’exécuter un plan de mobilisation, qui avorta. Le commandant en chef de l’armée norvégienne, le major-général Otto Ruge, donna l’ordre aux commandants des régions militaires de faire le nécessaire pour résister aux Allemands et les bloquer dans les enclaves côtières.

Dans le nord du pays, le major-général Fleischer avait perdu un de ses bataillons avec la garnison de Narvik. Le 10 avril, un autre bataillon arrêta les hommes de Dietl à 25 kilomètres au nord de Bjerkvik sur la route de Bardufoss, où Fleischer était en train de concentrer ses forces entre le centre d’instruction et l’aérodrome militaire. À Trondheim, le commandant de la Ve région militaire se retira vers le nord, jusqu’à Steinkjer, dans le but de procéder à la mobilisation de son secteur. Dans sa manoeuvre, il abandonna aux Allemands l’aérodrome militaire de Vaernes, situé à une quarantaine de kilomètres de Trondheim. De plus, l’artillerie avait abandonné ses canons dans les magasins militaires de la ville, mais le major Holtermann, du 5e régiment d’artillerie, occupa, avec une poignée de volontaires, le vieux fort de Hegra, qu’il défendit vaillamment jusqu’au début de mai, immobilisant ainsi d’importantes forces allemandes.

Dans le secteur de Bergen, le commandement de la IVe région se retira à Gol, tandis que les quelques forces norvégiennes qui se trouvaient à Stavanger et à Kristiansand se repliaient vers l’intérieur des terres, où le relief accidenté permettait une défense plus efficace. À Halden, dans le sud-est, les autorités de la Ie région commencèrent la mobilisation. Dans la région moins tourmentée qui entourait Oslo et qui constituait la IIe région militaire, sous le commandement du major-général Hvinden Haug, furent mis sur pied quatre petits groupes de combat qui s’efforcèrent de bloquer les sorties de la capitale.

Dans la soirée du 9 avril, les effectifs allemands dans Oslo s’élevaient à peine à neuf compagnies. Mais le lendemain, d’autres troupes, transportées par air et par mer, arrivèrent. Les 163e et 196e divisions, qui avaient été malmenées au cours de la traversée de l’Oslofjord, s’organisèrent en groupes de combat mobiles. Quelques jours plus tard, ces unités étaient à nouveau opérationnelles et fonçaient sur l’armée norvégienne, à moitié mobilisée. Le 12 avril, un régiment allemand utilisant des transports réquisitionnés descendit sur cent kilomètres la rive occidentale de l’Oslofjord pour venir s’emparer de Halden. Au même moment, un autre régiment attaquait à l’est. Plusieurs unités norvégiennes dépendant de la Ie région militaire furent bientôt obligées, devant l’anvancée des troupes allemandes, de franchir la frontière suédoise. Aux alentours du 15 avril tout était terminé dans ce secteur. 3000 Norvégiens se trouvaient internés en Suède, tandis que 800 autres étaient prisonniers des Allemands. Sur l’autre flanc, la 163e division allemande prenait Kongsberg, à 80 kilomètres environ au sud-ouest d’Oslo, et Honefoss, à 50 kilomètres au nord-ouest. Dans le sud, la IIIe région, sous la pression croissante des Allemands capitula le 15. Les forces de Ruge et de Hvinden Haug étaient désormais seules à continuer le combat.

Le 13 avril, les groupes d’assaut allemands progressèrent vers le nord. Deux d’entre-eux poussèrent le long des routes avoisinant les grands lacs pendant que deux autres se dirigeaient vers le nord-ouest, jusqu’à l’endroit où la voie ferrée menant à Bergen traverse la montagne. Le 18, les Allemands s’emparaient de Hamar, et le jour suivant, de Elverum. À ce moment, deux autres groupes avançaient sur Gjøvik. Le 20, ils entraient en contact avec les forces norvégiennes défendant les positions couvrant Lillehammer, Rena et Amot, sur les deux routes conduisant à Trondheim. Les Norvégiens, retranchés dans les montagnes, résistèrent avec bravoure.

Une bataille d’une grande intensité se déroula à Dombås, où une unité de Fallschirmjäger était chargée de bloquer la route et la ligne ferroviaire Oslo-Trondheim afin de couper la Norvège en deux. Le 14, quelque 185 parachutistes appartenant à la 1er compagnie du 1er régiment, commandé par l’Oberleutnant Schmidt, décollèrent à bord de onze Ju 52. Un des appareils fut touché alors qu’il se trouvait au-dessus de Lillehammer. Il parvint cependant à atterrir d’urgence. Les autres appareils atteignirent leur objectif sans encombre, mais les parachutistes s’éparpillèrent lors du saut et ne réussirent pas à se regrouper une fois au sol. Plus d’une centaine d’entre eux perdirent la vie ou furent faits prisonniers par les Norvégiens. Les survivants, une cinquantaine d’hommes, tentèrent d’établir un blocus, mais furent aussitôt encerclés par les troupes norvégiennes, qui les attaquèrent à plusieurs reprises pendant cinq jours. Les Allemands subirent de lourdes pertes. Privés de munitions et de provisions, ils finirent par se rendre.

En huit jours, les Allemands avaient parcouru près de trois cents kilomètres. Les troupes norvégiennes avaient reçu l’ordre de livrer un combat de retardement en évitant d’engager le gros des effectifs. Les Norvégiens espéraient que les Alliés ne tarderaient pas à leur venir en aide. Ruge avait l’intention de tenir les défilés des hauts plateaux couverts de neige en cette saison, qui s’étendent au nord de Lillehammer. Les Français et les Britanniques pourraient ainsi, après avoir pris Trondheim, avancer vers le sud et libérer Oslo.

La première bataille de Narvik

Conscient de l’importance de Narvik pour les Allemands, notamment parce qu’il leur assurait l’approvisionnement en fer suédois, les Britanniques redoublèrent d’efforts pour prendre le contrôle de ce port stratégique.

Le 10 avril, à 1h36, l’Amirauté britannique ordonna à la 2e escadrille de destroyers, sous les ordres du capitaine Warburton-Lee, d’entrer dans le fjord d’Ofot pour attaquer des unités allemandes de Narvik. Les Britanniques craignaient que les batteries côtières se trouvent aux mains des Allemands. Warburton-Lee s’arrêta à Tranøy pour se renseigner auprès de pilotes norvégiens. Ces derniers lui confirmèrent la présence d’au moins six destroyers allemands et de plusieurs navires de transport. Le capitaine prit alors la décision d’attaquer à l’aube avec la pleine mer, et en informa Withworth et l’amiral Forbes, à la tête de la flotte britannique.

Le commandant de la flotte de destroyers allemands, le commodore Bonte, avait placé le Thiele et l’Arnim dans le fjord de Ballangen, et le Giese, le Zenker et le Koellner dans celui d’Herjangs, à environ 15 milles de Narvik. Il avait également chargé le Roeder de patrouiller à l’entrée du fjord pendant la nuit. Le Künne et le Lüdemann se ravitaillaient, accostés au pétrolier Jan Wellem.

Dans la matinée du 10, dans un épais brouillard, les destroyers britanniques Hardy, Hunter, Havock, Hotspur et Hostile pénétrèrent discrètement dans le fjord, en file indienne. Un peu plus tôt, le Roeder avait quitté son poste à l’entrée du fjord et avait pris la direction de Narvik. À 5h20, le Hostile et le Hotspur se détachèrent du reste de la formation pour partir à l’assaut des éventuelles batteries côtières, tandis que les trois autres destroyers mirent le cap sur Narvik, où une effroyable bataille éclata à 5h30. Les Britanniques ouvrirent immédiatement le feu sur les navires allemands ancrés dans le port. La surprise fut totale. Le Schmitt et le Heidkamp, touchés à plusieurs reprises, coulèrent rapidement. Les Allemands n’eurent pas le temps de riposter que les destroyers britanniques avaient déjà disparu.

Après avoir coulé deux destroyers et plusieurs navires marchands, et gravement endommagé deux autres destroyers, les Britanniques pensaient que seuls deux de ces navires allemands étaient encore opérationnels. Ils remirent le cap sur le port de Narvik pour que le Hostile tire ses dernières torpilles. Au terme de ce dernier passage, sept navires marchands, deux destroyers et un garde-côte norvégien coulèrent, deux autres destroyers étaient hors d’état de combattre, et six navires marchands sévèrement touchés. Les quais étaient en grande partie détruits, et seul le pétrolier Jan Wellem demeurait intact. Le commodore Bonte avait trouvé la mort durant l’attaque.

Cinq destroyers allemands se trouvant dans les ports voisins furent alertés et vinrent à leur tour attaquer par surprise les Britanniques qui se retiraient. Le Hardy fut gravement endommagé. Le Hunter et le Hotspur, touchés à plusieurs reprises, furent mis hors de combat. Atteint par trois torpilles, le Hunter coula en quelques minutes. Les destroyers allemands, eux-mêmes endommagés et en manque de munitions, mirent le cap sur Narvik sans être venus à bout de l’escadron britannique. Le Hardy s’échoua pour éviter de faire naufrage, et l’équipage débarqua le capitaine Warburton-Lee, qui succomba à ses blessures peu de temps après.

La seconde bataille de Narvik

Le 13 avril, le cuirassé Warspite pénétra dans le fjord d’Ofot avec les destroyers Foxhound, Forester, Hero, Icarus, Cossack, Eskimo, Punjabi, Bedouin et Kimberley, appuyés par des avions embarqués qui partirent en reconnaissance afin d’éviter toute surprise. Un Swordfish bombarda le U-64, qui fut le premier sous-marin de la Seconde Guerre mondiale coulé par un avion.

La flotte croisa le destroyer allemand Kühne qui battit en retraite après un bref échange de tirs. Immobilisé, le Koellner s’était camouflé, mais il fut découvert par les avions alliés qui lâchèrent plusieurs torpilles qui loupèrent leur cible. Touché par de nombreux projectiles, le Koellner finit par couler.

Les seuls destroyers allemands encore indemnes, le Kühne, le Zenker, l’Arnim et le Lundeman, sortirent du port pour affronter la flotte britannique. Ils parvinrent à endommager le Cossack et le Punjabi avant de battre en retraite, sous un déluge d’obus. Ils pénétrèrent dans le fjord d’Herjangs où dix avions du Furious les attaquèrent sans parvenir à les atteindre. Les Britanniques perdirent deux appareils dans l’attaque. Au même moment, les Britanniques ouvrirent le feu sur le Giese et le Thiele, qui sortaient du port. Le Thiele parvint à rejoindre les quatre autres navires, mais le Kühne, touché, s’échoua sur le rivage. Le Cossack pénétra dans le port de Narvik, où seul l’attendait le Roeder, à moitié naufragé mais dont les tourelles tirèrent à plusieurs reprises, endommageant gravement le navire britannique qui s’échoua au sud de l’anse. Puis ce fut au tour du Roeder qui succomba à une salve de torpilles.

À court de munitions, les quatre destroyers survivants entrèrent dans le fjord de Rombacks, long d’une dizaine de milles. Le Thiele, disposant encore d’une torpille, se dissimula derrière un rideau de fumée grâce à ses bouées, et se tint à l’affût derrière le détroit de Straumen. Les trois autres navires s’échouèrent et furent dynamités par leurs équipages, qui rejoignirent les troupes de Dietl. L’Eskimo fut le premier destroyer à pénétrer dans le fjord, malgré les avertissements de l’avion du Warspite. Touché à plusieurs reprises à la proue par les pièces de 127 mm du Thiele et par son unique torpille, il s’échoua. Le destroyer allemand, atteint par plusieurs impacts, alla s’échouer sur la rive sud du fjord.

À l’issue de cet engagement, les dix destroyers allemands du commodore Bonte avaient été détruits, et les Alliés avaient désormais le contrôle du fjord d’Ofot et du port de Narvik.

La contre-attaque alliée

À la suite de la victoire de la marine britannique à Narvik, la 24e brigade de Guards débarqua le 15 avril, sous le commandement du général Pierse Joseph Mackesy, à Harstad, à une cinquantaine de kilomètres de Narvik, avec pour mission de prendre la ville d’assaut. Mais le général tint absolument à attendre une demi-brigade française détachée pour l’opération de Trondheim, et les opérations prirent du retard. Au total, 24 500 Britanniques, Français et Polonais débarquèrent.

Le commandement allié lança une série d’actions afin de disputer aux Allemands le contrôle de la moitié septentrionale du pays. Cette série d’actions commença avec l’opération Henry, déclenchée dans la nuit du 15 au 16. La 146e brigade britannique et une petite force navale débarquèrent, suivies de la 5e demi-brigade française le 19. Les troupes débarquées formaient la Mauriceforce, placée sous les ordres du général Adrian Carton de Wiart, vétéran de la guerre des Boers et de la Première Guerre mondiale, âgé de 70 ans et pourvu d’une excellente réputation. La 148e brigade, également connue sous le nom de Sickelforce, commença à débarquer le 18 à Andalsnes, avec la contribution de deux croiseurs et de deux grands navires de transport de troupes. Ces deux forces avaient pour mission d’encercler l’ancienne capitale norvégienne, Trondheim. Selon les Norvégiens, cette ville devait impérativement être le point de départ de la contre-attaque, du fait de son importance économique et politique. Une attaque directe contre Trondheim fut donc envisagée. Mais les Britanniques, craignant la Luftwaffe et les défenses côtières désormais sous contrôle allemand, perdirent un temps précieux. Il voulait constituer une force de plus grande envergure dotée de porte-avions et de cuirassés. L’attaque, ayant reçu le nom de code d’opération Hammer, ne se concrétisa jamais. L’arrivée des unités alliées se fit dans une grande confusion. Pensant arriver en territoire ami, elles comptaient sur les ressources de leurs alliés norvégiens, si bien qu’elles manquaient d’artillerie, de chars, de moyens de transport…

Les unités alliées progressèrent prudemment vers le fond du fjord de Trondheim. Environ 4000 chasseurs alpins français, bien équipés, débarquèrent. À partir du 22, la situation se dégrada. Les Allemands mirent en service l’aérodrome de Vaernes, dont ils venaient de prendre le contrôle. Le commandement allié décida alors, plutôt que d’assaillir Trondheim, les unités se contenteraient de menacer les Allemands qui occupaient la ville. La Sickelforce et la Mauriceforce ne parvinrent jamais à se rejoindre. Elles manquaient des équipements nécessaires pour mener à bien leur mission.

La 148e brigade avança lentement pour contrer la progression des troupes allemandes. Le 22, quatre compagnies de Leicesters et de Foresters, soit environ 650 hommes au total, établirent un blocus sur la route menant à Faaberg. Les Allemands lancèrent une attaque limitée afin de tester les défenses britanniques. Ils envoyèrent des troupes de flanquement et des skieurs empruntèrent un terrain jugé impraticable par les Britanniques. Ils encerclèrent rapidement le blocus, et les Britanniques parvinrent à battre en retraite. Une action similaire se déroula à Tretten le 24. Les Allemands parvinrent à coincer la défense tandis qu’ils réalisaient des actions de flanquement. Appuyés par des blindés et par l’aviation, ils attaquèrent les Britanniques et les Norvégiens alors qu’ils battaient en retraite. Ils leur infligèrent de lourdes pertes et un grand nombre de soldats se réfugièrent en Suède.

Le 23, l’intégralité de la 15e brigade débarqua à Andalsnes pour seconder la 148e brigade dans sa progression vers l’intérieur des terres. Elle progressa le long de la vallée du fleuve de Laagen en direction de Lillehammer afin de rejoindre la petite ville de Kvam, constituant une solide position défensive. Les Allemands attaquèrent le 25 avec le soutien de trois véhicules blindés, dont deux furent neutralisés par des canons de 25 mm britanniques. L’artillerie allemande riposta en tirant sur les positions britanniques. Ces derniers furent contraints de se replier. Les unités de skieurs s’infiltrèrent de nuit dans les forêts voisines afin de flanquer la défense, et lancèrent une nouvelle attaque dès le lendemain matin. Les Britanniques réussirent à mettre hors de combat trois véhicules supplémentaires avec leurs canons antichars. Craignant l’encerclement, ils préférèrent battre en retraite.

La 2e division norvégienne se contenta de maintenir ses lignes face aux Allemands et n’apporta pas de véritable soutien aux soldats britanniques. Les deux pays n’entretenaient pas de très bonnes relations. Les Britanniques manquaient de moyens de transport et dépendaient des conducteurs civils norvégiens pour leurs mouvements, or ces derniers ne voulaient pas prendre trop de risque. Le 29, la majeure partie de la force expéditionnaire britannique était concentrée aux alentours de Dombås. Dans l’après-midi, le général britannique Paget rencontre pour la dernière fois le général Ruge. Ce dernier reprochait aux gouvernements occidentaux de n’avoir pas apporté toute l’aide promise. Il se déclarait prêt à poursuivre la lutte, mais uniquement si une intervention alliée en Norvège était envisageable, clairement conscient que dans le cas contraire toute résistance était inutile. La nuit même, le roi Haakon VII se rendit à Narvik, encore aux mains des forces alliées.

Pendant ce temps, la Luftwaffe lançait des assauts répétés sur les ports tombés aux mains des Alliés ainsi que sur les lignes de communication. Face à la menace, les Britanniques commencèrent à évacuer Andalsnes dans la nuit du 29. Le 2 mai, il ne restait plus un seul soldat britannique dans la ville. Au total, 5084 hommes furent évacués au cours de ces trois nuits, sans aucune perte. La Sickelforce avait perdu plus de 1400 hommes lors des actions de Faaberg et de Tretten.

La Mauriceforce subit le même sort. Les attaques constantes de la Luftwaffe et le débarquement d’unités allemandes à Kirknesvag conduisirent à l’évacuation de Namsos le 3 mai. La retraite britannique fut menée avec efficacité et détermination. Le réembarquement des troupes fut rendu difficile à cause de l’absence d’équipement approprié et de l’omniprésence de la Luftwaffe. Dans l’opération, les Alliés perdirent le destroyer français Bison et l’Afridi, coulés par l’aviation ennemie. L’évacuation de troupes alliées donnait le sentiment aux Norvégiens d’être abandonnés à leur sort. Les Britanniques n’informèrent pas correctement les Norvégiens de leurs intentions, allant même jusqu’à leur cacher des informations importantes. La 3e division norvégienne capitula le 1er mai, suivie par la 5e division. De nombreux soldats norvégiens se cachèrent dans les montagnes et organisèrent des mouvements de résistance. Le 5 mai, le dernier bastion du centre de la Norvège se rendit. Il s’agissait de la forteresse de Hegra, où 300 soldats norvégiens avaient résisté au siège allemand durant près d’un mois. Les Allemands contrôlaient désormais la moitié sud du pays.

Narvik

Après la défaite de la marine allemande à Narvik, 2000 hommes du 139e régiment de chasseurs alpins de la 3e division de montagne allemande, et 2600 marins rescapés des destroyers naufragés, défendaient Narvik sans aucun soutien extérieur ou presque, sous le commandement du général Dietl. Sept croiseurs et cinq destroyers de la Royal Navy, placés sous le commandement de lord Cork, se trouvaient dans le fjord de Narvik et ses eaux environnantes. Parties de Trondheim, les forces terrestres allemandes progressaient lentement à l’intérieur des terres. Elles ne devaient pas atteindre le Nord avant des mois. Prudents, les Britanniques avaient renoncé à une attaque immédiate le 13 avril. Le commandement britannique décida de débarquer à plus d’une cinquantaire de kilomètres de Narvik, dans la petite ville de Harstad. La 24e brigade de Guards débarqua à partir du 15, mais sans l’artillerie d’appui nécessaire comme cela était déjà arrivé dans le centre du pays. Elle était accompagnée par des chasseurs alpins français et des troupes polonaises. Le débarquement se poursuivit jusqu’au 18, sous les attaques constantes de la Luftwaffe. Les hommes débarqués furent bientôt rejoints par cinq bataillons norvégiens de la 6e division.

Dietl disposa deux bataillons de Gebirgsjäger à une trentaine de kilomètres au nord de Narvik, sur la route de Barduffos, tandis que le 3e bataillon avait l’ordre de rester dans le village. Les 750 hommes se trouvant dans Narvik disposaient de quatre canons de montagne de 75 mm, de six mortiers de 80 mm, de dix-huit mortiers de 50 mm et de nombreuses mitrailleuses. Leur approvisionnement dépendait de la Luftwaffe. Celle-ci parvint à leur fournir une batterie de 75 mm, ainsi que des vivres et des équipements. Les soldats démontèrent quelques pièces d’artillerie se trouvant sur les destroyers échoués afin de les utiliser sur la terre ferme. Ils établirent un périmètre défensif du promontoire de Fagevers jusqu’au port de ferries de Taraldsvik. L’essentiel de l’artillerie lourde fut rassemblé sur le promontoire de Framnes. Le secteur sud était totalement dégarni, et sa maigre ligne défensive se composait de tranchées creusées dans la roche, pouvant chacune abriter deux ou trois soldats.

La seconde quinzaine d’avril fut marquée par des discussions entre le haut commandement britannique et le gouvernement norvégien sur la pertinence d’une attaque par la mer compte tenu de leur supériorité navale. Elles aboutirent à un unique bombardement naval, le 24, qui s’avéra peu efficace devant un ennemi caché à l’abri de positions solides et bien établies. Le même jour, les Norvégiens lancèrent une attaque depuis le nord. Celle-ci manqua de coordination et les assaillants furent aussitôt arrêtés par les mitrailleuses allemandes. Ils perdirent plus de 250 hommes. Le 28, une demi-brigade de chasseurs alpins français arriva. À la fin du mois, l’idée d’un débarquement ressurgit, mais elle fut rejetée à cause du manque de barges appropriées. Le 4 mai, la Luftwaffe coula le croiseur polonais Grom devant Narvik. Le projet d’une attaque par la mer fut abandonné malgré l’insistance de Churchill.

Les troupes terrestres allemandes progressaient depuis Trondheim, situé à environ 550 km de Narvik. Il devenait urgent d’agir. Le terrain très montagneux et recouvert de neige ne laissait pratiquement aucune marge de manoeuvre. En son point le plus étroit, pas plus de 25 km ne séparaient la mer de la frontière suédoise. À environ 160 km au sud de Narvik se trouvait la localité de Bodø. Entre ces deux villes, il n’existait pas la moindre voie de communication terrestre. L’inhospitalière toundra s’étendait à perte de vue. Les Britanniques considéraient ce terrain comme infranchissable, alors que les Norvégiens l’avaient déjà traversé sans difficulté. Ils décidèrent alors d’envoyer à bord de destroyers cinq compagnies, formant la Scissorforce, bloquer une éventuelle route vers le nord. Mais ces unités n’étaient pas préparées à ce type d’opération. Elles agirent donc comme des unités classiques, et n’obtinrent que peu de résultats.

Côté allemand, deux bataillons, renforcés par la 2e division de Gebirgsjäger, envoyés vers le nord, progressaient rapidement, sur un terrain considéré comme impraticable par les Britanniques. Ils parcourent 160 km en quatre jours et ne rencontrèrent qu’un bataillon norvégien totalement isolé, qui ne tarda pas à battre en retraite en direction du nord. Parti d’Allemagne, le reste de la division était en chemin.

Entre le 15 et le 18 mai, les Scots Guards envoyés en urgence vers le sud résistèrent vaillamment à Dalsklubben jusqu’à ce que les Allemands les attaquent par les flancs. Quelques jours plus tard, une action mineure menée à Krokstanden ne parvint pas non plus à freiner les Gebirgsjäger. Les Alliés manquaient de stratégie cohérente pour ralentir les Allemands. Ils envoyaient des unités isolées, manquant d’entrainement et sans plan concret. Le 14 mai, trois He 111 attaquèrent les navires à bord desquels se trouvaient les Irish Guards. Ils coulèrent un navire de transport et causèrent de nombreuses pertes au sein de l’état-major. Les rescapés du bataillon se confrontèrent aux Allemands dans la zone boisée qui entourait Pothus. La Luftwaffe attaqua les positions britanniques tandis que les skieurs les flanquaient. De peur d’être encerclés, les Guards battirent en retraite vers le nord. Malgré tous leurs échecs pour stopper les Allemands, les Alliés étaient parvenus à les ralentir.

Tandis que les combats visant à freiner les Gebirgsjäger se poursuivaient, les Alliés se préparaient enfin à prendre la ville de Narvik d’assaut. La conquête de la ville permettrait de bloquer le transport du fer en direction de l’Allemagne, mais aussi de remporter une victoire contre les Allemands et de préserver une partie du territoire norvégien pour le gouvernement norvégien en exil. À Harstad, la logistique était devenue très difficile à gérer et l’arrivée de nouvelles unités aggrava la situation. En effet, deux bataillons de la légion étrangère, une brigade polonaise et quatre bataillons de chasseurs de montagne vinrent en renfort. Les troupes alliées présentes à Narvik disposaient désormais de 27 000 hommes, de douze canons de 25 livres, de quelques canons français de 75 mm, d’une batterie antiaérienne lourde et de quatre batteries antiaériennes légères. Ils manquaient de chars et ne disposaient que de quatre barges LCA et de six barges à moteur LCM pour les opérations de débarquement. Deux brigades norvégiennes vinrent s’ajouter, l’une de trois bataillons équipés d’une batterie de montagne, l’autre formée de deux bataillons d’infanterie et armée de deux batteries d’artillerie. Le porte-avions Ark Royal apportait le seul appui aérien disponible dans la région.

La situation de Dietl était désespéré. Le ravitaillement arrivait au compte-gouttes. De nombreux marins débarqués avaient été rappatriés en passant par la Suède car ils ne présentaient pas les qualités requises. Le général disposait à présent de quelques parachutistes. Dietl avait, pendant un instant, envisagé de battre en retraite vers la Suède, et Hitler lui avait donné son accord.

Le 6 mai, les Alliés avaient définitivement abandonné l’idée d’une attaque de Narvik par la mer. Quatre jours plus tard le nouveau commandant britannique Auchinlek arriva sur place. Le jour même, les Allemands avaient lancé leur offensive sur les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la France. Le théâtre d’opération norvégien était alors relégué au second plan.

Le 12, les Alliés passèrent enfin à l’action. Les deux bataillons de la Légion étrangère, équipés de quatre chars Hotchkiss, débarquèrent de nuit à Bjerkvik, après un bombardement naval intense. Les Polonais arrivèrent en empruntant un chemin difficile et complétèrent l’encerclement de Narvik par le nord. La ligne de chemin de fer vers la Suède constituait la seule possibilité de retraite pour les Allemands. De leur côté, les troupes norvégiennes progressaient lentement vers le sud, luttant en terrain montagneux contre les Gebirgsjäger. Elles finirent par prendre le contrôle du plateau de Kuberg, dominant les alentours de Narvik depuis le nord-ouest. Dans la nuit du 14, les Allemands combattaient à la fois contre les Français à l’ouest, et contre les Norvégiens au nord et au nord-est. La situation des Allemands était catastrophique, mais les combats finirent par s’essouffler et furent suspendus.

Le 23, une réunion se tint entre les commandements de tous les pays alliés à l’issue de laquelle il fut décidé d’établir une grande base dans le Nord, à Tromsø de préférence, où le gouvernement norvégien pourrait également s’installer. Cela impliquait la mobilisation de forces que leurs gouvernements n’étaient pas prêts à fournir étant donné la situation en France.

Le 25, Dietl reçut deux compagnies de Fallschirmjäger en renfort. Les Alliés avaient fixé l’assaut final sur Narvik à la nuit du 27 au 28. Les destroyers Grom, Afridi et Bison ainsi que la corvette antiaérienne Curlew avait été coulés par la Luftwaffe. Dans la nuit du 27, deux bataillons de la Légion, un bataillon norvégien et une section de chars montèrent à l’assaut depuis Oyord, tandis que les Polonais faisaient de même depuis Ankenes, refermant ainsi le piège. Les chasseurs alpins avançaient sur la voie de chemin de fer. Le 28 mai, à 17h, les Norvégiens pénétraient dans la ville. Les forces de Dietl se retirèrent vers l’intérieur des terres, en établissant des positions défensives dans les montagnes proches de la Suède, à Haugfjell, Bjornfjell et Rundfjell.

Le 21, au vu de la situation en France, les gouvernements alliés avaient envisagé l’évacuation de la Norvège. Deux jours plus tard, les chefs d’état-major recommandaient à leurs troupes d’abandonner Narvik. La décision d’évacuer Narvik fut véritablement prise le 31 dans l’intention d’envoyer les troupes en France. Churchill proposa de maintenir une importante garnison à Narvik mais le 25, lord Cork reçut l’ordre de quitter la Norvège. Le 2 juin, Bodø fut évacué. Les Norvégiens étaient furieux et se sentaient trahis. L’évacuation de Narvik commença dans la nuit du 3 au 4 juin, et se termina quatre jours plus tard. Le 7 juin, le roi Haakon et ses ministres s’embarquaient, à Tromsø, à bord du croiseur Devonshire, abandonnant, à sa propre demande, Ruge qui avait insisté pour demeurer auprès de ses hommes. Le 8, les derniers éléments des forces franco-britanniques quittaient Harstad. Le 9, les Norvégiens demeurés sur place signèrent les préliminaires d’un armistice avec les Allemands. Dietl traita Ruge avec beaucoup de générosité et les soldats norvégiens furent renvoyés dans leurs foyers.

La chasse aux navires alliés

Le 4 juin, les croiseurs allemands Scharnhorst et Gneisenau, le Hipper et quatre destroyers, sous les ordres du vice-amiral Marshall, avaient quitté Kiel avec la mission d’attaquer Harstad et de desserrer l’étau autour de Dietl. Cette opération, baptisée Juno, allait se transformer en une véritable chasse aux navires de transport alliés quittant le nord de la Norvège. Le 7, peu avant le moment prévu pour attaquer, l’aviation allemande détecta un convoi ennemi qui se dirigeait vers l’ouest. Il s’agissait de troupes rembarquées à Narvik. Marshall ordonna immédiatement d’attaquer le convoi.

En mettant le cap sur le sud-est, le convoi aperçut dans la matinée du 8 le pétrolier de 5000 tonnes Oil Pioneer escorté par le petit chalutier armé Juniper. Les deux bâtiments furent coulés et n’eurent pas même le temps d’émettre des signaux de détresse. Peu après, le Hipper coula le transatlantique Orama. Marshall détacha alors le Hipper et les quatre destroyers afin qu’ils couvrent les convois allemands qui se dirigeaient vers Trondheim.

Marshall poursuivit vers le nord avec les croiseurs Scharnhorst et Gneisenau, à la recherche des porte-avions dont il avait intercepté des messages radio. Peu avant 16h, le porte-avions Glorious, escorté par les destroyers Acasta et Ardent était repéré. Il naviguait en direction du sud-est à environ 400 km du prochain convoi allié. Le Glorious transportait des Skua, des Swordfish et des chasseurs Hurricane, dont les pilotes avaient préféré prendre le risque d’atterrir sur le porte-avions pour conserver leurs appareils plutôt que de les abandonner en Norvège. Aucun des avions ne se trouvait en l’air. La présence des navires allemands fut détectée tardivement. Les avions se préparèrent alors à décoller mais il était trop tard.

Le Scharnhorst ouvrit le feu à 16h30, à 27 000 m de distance. L’Acasta et l’Ardent tentèrent en vain de couvrir le porte-avions avec des rideaux de fumée. Un projectile de 280 mm toucha le hangar supérieur de proue, provoquant de nombreux dégâts. Les destroyers passèrent à l’attaque. L’Ardent lança quatre torpilles avant d’être détruit. Aucune ne toucha les navires allemands, mais elles les obligèrent à changer de cap, ce qui laissa un bref instant de répit au Glorious. À partir de 17h, une pluie de projectiles se mit à tomber, anéantissant totalement le navire, qui dut être abandonné à 17h20. Il coula vingt minutes plus tard.

L’Acasta, désormais seul, traversa son rideau de fumée et lança une torpille qui endommagea sérieusement le Scharnhorst. Il partit à l’assaut des deux navires allemands. Deux salves de 150 et 200 mm s’abattirent sur le navire. Totalement détruit, il ne tarda pas à disparaitre sous les flots. Il n’y eut que deux survivants, recueillis par les Allemands.

Dans la nuit du 12 au 13 juin, l’aviation britannique accomplit une dernière mission. Quinze appareils des escadrons 800 et 803 décollèrent du porte-avions Ark Royal pour partir à l’attaque du croiseur endommagé Scharnhorst qui se trouvait à Trondheim. Non seulement l’attaque fut un échec, mais elle permit aux Allemands de détecter l’Ark Royal. L’artillerie anti-aérienne et les chasseurs allemands détruisirent huit Skua. Les appareils survivants s’enfuirent.

Bilan de la campagne

Au terme de la campagne, les Allemands étaient parvenus à briser le blocus britannique, à préserver leur approvisionnement en fer et à s’assurer de nombreuses bases depuis lesquelles ils allaient pouvoir s’attaquer au commerce britannique. Les pertes s’élèvent à 1335 Norvégiens tués ou blessés, 1869 Britanniques et 533 Français et Polonais tués, blessés ou disparus sur terre, avec un nombre de victimes beaucoup plus élevé en mer. Les pertes allemandes s’élèvent à 5660 hommes, dont 1317 furent tués à terre et 2375 furent perdus en mer ou disparurent d’une autre manière. À la fin de la campagne, les seuls navires de la Kriegsmarine toujours en service se limitaient au croiseur lourd Hipper, à deux croiseurs légers et quatre destroyers. Trois croiseurs, dix destroyers et huit sous-marins avaient été coulés, et le reste de ses unités devaient rester hors d’état de combattre durant plusieurs mois encore. Les Alliés avaient perdu un porte-avions, deux croiseurs, neuf destroyers et six sous-marins.

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