Front de l'ouest

Bombardement de Rotterdam

Mis à jour le 12/08/2021
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Pays-Bas, 14 mai 1940

Le plan d’invasion des Pays-Bas vise à briser la résistance des troupes néerlandaises le plus rapidement possible pour permettre aux troupes allemandes d’entreprendre des opérations en France et en Belgique. La prise de Rotterdam représente pour Hitler l’objectif principal du plan d’invasion des Pays-Bas. La chute de la ville doit inévitablement provoquer la reddition du pays et faciliter le passage des Allemands vers la Belgique et la France. Lorsque le 10 mai, l’invasion des Pays-Bas débute, les troupes aéroportées ont reçu pour mission de s’emparer de l’aérodrome de Waalhaven, situé au sud de Rotterdam, et des ponts sur la Meuse, afin d’ouvrir la voie à la XVIIIe armée et à la 9e division de Panzer. Les 2750 hommes de la 7e division parachutiste, les 4000 hommes du 16e régiment d’infanterie et quatre groupes de transport de troupes sont engagés dans cette opération, sous le commandement du général Student.

Sur la pointe droite de l’attaque allemande, la 1re division de cavalerie traverse facilement la Frise, où la résistance est très faible car l’armée néerlandaise n’a pas prévu de défense solide des provinces du nord. Seuls cinq bataillons commandés par le colonel Jacob Veenbaas occupent ce secteur. Les défenseurs néerlandais souffrent d’un tel manque de matériel qu’ils ont à peine assez d’explosifs pour faire sauter les ponts et freiner la progression allemande. Ils en sont réduits à tenter de détruire certains ponts à coups de hache ou en mettant le feu à leurs structures en bois. Mais les Allemands s’emparent sans difficulté des ponts les plus importants, intacts. Le 11 mai, ils atteignent la ligne Wons, à l’extrémité est de l’Afsluitdijk, une digue d’une trentaine de kilomètres de long séparant le Waddenzee du lac d’Ijsselmeer. Après quelques combats, les Néerlandais se replient le long de la digue vers la Vesting Holland (« forteresse Hollande »).

Désormais, l’unique obstacle qui empêche les Allemands de pénétrer dans la Vesting Holland par le nord est le fort de Kornwerderzand, une construction moderne défendue par 220 soldats commandés par le capitaine Christiaan Boers. Armé de quatre canons antichars de 50 mm et de vingt-et-une mitrailleuses de 7,9 mm, le fort est constitué de positions en béton qui se couvrent mutuellement. Il bloque l’entrée à l’Afsluitdijk permettant d’accéder à la Vesting Holland par le nord. Jusqu’à la capitulation des Pays-Bas, ce fort résistera à tous les assauts. De plus petite taille, le fort de Den Oever protège l’extrémité sud de la digue.

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Le 12 mai, la Luftwaffe attaque les unités de la flottille de l’Ijssel et provoque de sérieux dégâts sur les canonnières Friso et Brinio. L’offensive contre le fort de Kornwerderzand est lancée le 13 mai. Un avion d’observation est abattu par les défenseurs dans la matinée. Ces derniers essuient pendant tout l’après-midi le feu de l’artillerie. Un premier assaut est repoussé. La présence de la flottille de l’Ijssel, équipée de six dragueurs de mines, de canonnières et de huit petites vedettes armées de pièces d’artillerie, rend dangereuse la traversée du lac en canot. Au matin du 14 mai, le Johan Maurits Van Nassau bombarde les troupes allemandes depuis le Waddenzee.

Entretemps, l’attaque décisive a été lancée le 12 mai. La défense néerlandaise reste entièrement basée sur le maintien de la ligne Grebbe, protégée par les 3e et 4e Legerkorps (corps d’armée néerlandais). Les brigades A et B, placées en arrière-garde, constituent les réserves stratégiques pour défendre la Nieuwe Hollandse Waterlinie (NHW, nouvelle ligne d’eau), car derrière cette ligne se trouve la ville d’Utrecht et le cœur de la Vesting Holland. Du nord au sud, l’armée allemande déploie la SS-Leibstandarte, les 227e et 207e divisions d’infanterie et la SS-Standarte Der Führer.

Après un intense pilonnage d’artillerie qui dure toute la matinée, les Allemands parviennent à rompre la ligne néerlandaise en divers endroits. Les défenseurs néerlandais lancent une courageuse contre-attaque qui échoue. À la tombée de la nuit, les troupes allemandes interrompent momentanément leur progression, ce qui permet aux défenseurs de tenter de se regrouper afin de lancer une nouvelle contre-attaque le lendemain matin. Pendant la nuit, une centaine d’hommes de la SS-Standarte Der Führer franchissent la ligne défensive dans le secteur de Rhenen et attaquent, le lendemain matin, des unités néerlandaises. Le 13 mai, à l’aube, une douzaine d’avions néerlandais attaquent continuellement des positions d’artillerie allemandes situées à Wageningen. Censée préluder à la contre-attaque de l’armée, cette opération parvient à peine à retarder le début de l’attaque allemande. Le système de défense établi à Rhenen est percé et le premier bataillon du 8e régiment d’infanterie, détruit.

Plus au nord, à Scherpenzeel, la 227e division d’infanterie n’est pas encore parvenue à percer la ligne Grebbe. Cependant, à la fin de l’après-midi, la ligne Grebbe est sur le point de tomber aux mains de l’ennemi. À 20h, le commandant néerlandais ordonne à ses hommes de se replier sur la ligne NHW. À 21h30, Rhenen change de main. Peu après, Achterberg tombe à son tour. La ligne Grebbe est évacuée pendant la nuit et les forces néerlandaises se retirent à l’intérieur de la Vesting. Lorsque les 2e, 3e et 4e Legerkorps atteignent la ligne NHW, ils trouvent cette dernière pratiquement déserte. Ils commencent à occuper les positions que les réserves néerlandaises, alors aux prises avec les parachutistes allemands, ont abandonnées.

Quelques jours auparavant, dans la matinée du 11 mai, les 254e et 256e divisions d’infanterie ont franchi la ligne Peel-Raam en divers endroits. Elles sont suivies de la 9e division Panzer qui traverse la Meuse entre Gennep et Mook. Le soir, après une progression de 40 km, les chars ont atteint le canal Zuid-Willemsvaart, à proximité de Veghel. Dans la matinée du 12 mai, ils se trouvent au nord de Tilburg, où ils se heurtent à des éléments de reconnaissance français qu’ils repoussent. À la tombée de la nuit, les premières unités blindées arrivent à Moerdijk, où ils rejoignent les parachutistes chargés de défendre les ponts. Le 13 mai, en milieu de journée, la 9e division de Panzer et des parachutistes allemands se déploient au sud de Rotterdam, tandis qu’un pont flottant traverse le canal Wilhelmina à l’est de Tilburg. Au matin du 14 mai, à Rijsoord, le général Student accueille le commandant de la division Panzer, le général Ritter von Hubicki.

Dans la ville de Rotterdam, les tirs de l’artillerie néerlandaise et des canonnières ainsi que les attaques répétées de l’aviation, visant à réduire la tête de pont établi par les Allemands sur la rive nord, ont gravement endommagé les bâtiments situés en bordure du fleuve. Le 14, les Allemands s’apprêtent à rompre les défenses néerlandaises afin de progresser vers le nord, en direction d’Amsterdam. À ce moment-là, les parachutistes allemands occupent tout le sud de Rotterdam. Assiégé à Overschie, le groupe de parachutistes aux ordres de von Sponeck est dans une situation critique. Les Néerlandais sont décidés à les anéantir lors de l’attaque prévue pour le jour même. Les divisions blindées allemandes doivent impérativement rejoindre les assiégés afin de leur venir en aide.

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Pour l’assaut final sur Rotterdam, les forces allemandes commandées par le général Schmidt se répartissent en trois groupes. Le groupe A, composé du 33e régiment de Panzer, du 3e bataillon du 16e régiment d’infanterie, de deux batteries d’artillerie et de deux compagnies de sapeurs, a reçu pour mission d’attaquer depuis Feyenoord par le pont et de se diriger directement sur Amsterdam. Constitué de trois compagnies du 16e régiment d’infanterie et d’une compagnie de sapeurs, le groupe B doit partir d’Ijsselmonde. Le groupe C, formé par les chars du 33e régiment de Panzer et par la SS-Leibstandarte Adolf Hitler, doit profiter de la percée accomplie par le groupe A pour rejoindre, à partir du sud de la ville, les parachutistes isolés et poursuivre son avancée vers La Haye. L’attaque est prévue pour 15h30. L’artillerie et l’aviation doivent bombarder les positions néerlandaises les plus proches du pont. Ce même jour, un ultimatum demandant une reddition sans conditions est adressé au commandant de la place : dans le cas d’un refus, la ville sera entièrement détruite. Des pourparlers sont entamés, retardant de quelques-heures la menace de bombardement.

Décidé à en finir avec les parachutistes allemands isolés à Overschie, Winkelman lance ses troupes à l’attaque, le 14 au matin. Mais les troupes progressent lentement, si bien qu’ils ne rencontrent l’ennemi que dans l’après-midi. Pour autant, les Allemands ne passent pas tout de suite à l’offensive. Les Néerlandais se trouvent dans une situation précaire, mais il est impératif d’aller secourir les troupes aéroportées qui risquent d’être anéanties à tout moment. Les Allemands lancent un ultimatum au commandant militaire de Rotterdam, le colonel Scharro. L’ultimatum est accompagné d’une menace de destruction totale de la ville en cas de refus. Il doit expirer à 14h10 (12h30 pour les Néerlandais), soit cinquante minutes avant le début de l’attaque aérienne. Scharro informe Winkelman de la situation. Ce dernier, qui désire à tout prix anéantir les parachutistes ennemis, déclare que le document n’est pas clair et qu’il ne prendra en considération qu’un document dûment signé, indiquant en outre le nom et le rang du signataire. Persuadé que la capitulation de l’ennemi est imminente, Schmidt décide tout de même de reporter l’heure du bombardement et envoie un message à la 2e Luftflotte à 14h14 pour lui demander de suspendre temporairement le décollage des avions en attendant la suite des événements. Schmidt rédige un nouvel ultimatum, très clairement signé, qui doit expirer à 18h. Le texte n’évoque pas la menace d’un bombardement aérien sur la ville, mais il est déjà trop tard. Le délai est trop court, la chaîne de commandement trop longue et le système de communication trop rudimentaire. Le contrordre ne parviendra pas à temps aux formations de la 2e Luftflotte. Le nouvel ultimatum n’est pas encore transmis aux Néerlandais que les avions sont déjà en route pour Rotterdam.

Les Heinkel He 111 de la Kampfgeschwader 54 (formation de bombardiers allemands), divisés en deux groupes de cinquante-quatre et trente-six appareils, ont pour cible une zone triangulaire située à l’opposé de la tête de pont établie par les Allemands sur la rive nord de la Meuse. Des signaux lumineux rouges sont allumés sur la rive sud de la Meuse pour ordonner la suspension de la mission, mais seul un des deux groupes les aperçoit, au dernier moment, et cesse alors les bombardements. En revanche, l’autre groupe largue ses 97 tonnes de bombes sur Rotterdam. En quelques minutes, la ville est transformée en brasier. 914 civils meurent dans les bombardements et 78 000 se retrouvent sans abri. En milieu d’après-midi, le commandant de la garnison, le colonel Scharro, décide de se rendre. Il rencontre Schmidt à 17h30. À cet instant, les groupes A et C traversent le pont. Peu de temps après, la SS-Leibstandarte dégage les parachutistes encerclés. Les soldats néerlandais reçoivent l’ordre de cesser les combats. Schmidt parvient à empêcher Goering de lancer un deuxième bombardement sur la ville.

Pour justifier le bombardement inutile de la ville de Rotterdam, les Allemands déclarèrent que des troupes britanniques débarquaient sur la côte néerlandaise au sud de la Meuse et qu’elles menaçaient l’arrière de leur front le long d’une ligne Moerdijk-Dordrecht-Rotterdam. Ainsi, il était nécessaire d’effectuer une percée au nord. En réalité, aucune troupe ne débarquait alors sur la côte néerlandaise. Le bombardement de Rotterdam devait provoquer une émotion considérable en Europe occidentale, incitant les populations de la Belgique et du nord de la France à fuir les villes. Cet exode va contribuer à gêner les mouvements des troupes et à aggraver la dégradation générale du moral.

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Afin d’éviter que ne se renouvelle un drame semblable à celui que vient de subir Rotterdam, le commandant en chef des forces néerlandaises, le général Winkelman, se résigne à donner l’ordre à ses troupes de déposer les armes. Il ordonne à l’ensemble de ses unités de détruire leurs armes, leurs équipements, notamment les pièces des batteries côtières. Seule la région de la Zélande continue à se battre, car de nombreuses unités françaises y sont engagées. Le 15 mai, à 11h45, l’acte de capitulation est signé au poste de commandement de Student, à Rijsoord, une petite localité entre Dordrecht et Rotterdam.

Les troupes allemandes opérant aux Pays-Bas ont désormais le champ libre pour agir contre la France et la Belgique. Dans la matinée du 16 mai, l’aviation et l’artillerie allemande bombardent violemment les positions alliées situées en Zélande. La SS-Standarte Deutschland force les positions françaises et, à la mi-journée, elle se trouve solidement établie à Kapelle. Excepté un bataillon qui, isolé, se rend à l’ennemi, les forces françaises parviennent à se retirer de Walcheren grâce à l’appui des unités navales françaises. Le général Deslaurens trouve la mort durant les opérations. Le 18 mai, Anvers tombe aux mains des Allemands. La conquête d’Anvers marque la fin de la bataille des Pays-Bas.

En dépit d’une victoire stratégique importante, la bataille des Pays-Bas a coûté cher aux Allemands. Dans le groupe Nord, les pertes s’élèvent à 1100 morts et blessés, et 1600 prisonniers, dont 400 sont libérés après l’armistice, les autres étant envoyés au Royaume-Uni. Dans le groupe Sud, on compte 1200 victimes, dont 250 morts. Du côté de la Luftwaffe, sur les 1000 appareils utilisés, 330 sont hors d’usage, dont plus de 200 par la défense antiaérienne. Au total, la Luftwaffe ne compte que 167 avions détruits. L’armée néerlandaise déplore la perte de 2157 hommes tués au combat et 2700 prisonniers. Au sein de la population civile, le nombre de victimes s’élève à environ 2500. Particulièrement éprouvée par les combats qui ont précédé la capitulation, la population des Pays-Bas va passer brutalement du régime de paix à celui de l’Occupation.

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